• Condamné trois fois à Lille de 2022 à 2024, Abdelkader Bouguettaia, surnommé « Bibi », est rejugé cette semaine après son extradition de Dubaï en juin.
  • Les dossiers portent sur plusieurs importations de cocaïne au Havre, pour un total de plus de deux tonnes saisies, selon le parquet.
  • Le procès s’ouvre sous très haute sécurité, avec des consignes rarissimes données à la presse.

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La France en proie au narcotrafic

Il était jusque-là un condamné « fantôme », jugé en France sans jamais se présenter. Ce lundi matin pourtant, Abdelkader Bouguettaia, 38 ans, apparaît cette fois en chair et en os dans le box de la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille. Surnommé « Bibi », l’homme soupçonné d’avoir coordonné des importations de cocaïne de grande ampleur est rejugé après son extradition de Dubaï en juin, où il résidait au moment de ses premières condamnations.

Il faut dire que le narcotrafiquant présumé est un habitué des affaires judiciaires. Déjà condamné en 2022, 2023 et 2024, deux fois à neuf ans et une fois à quinze ans de réclusion criminelle, pour des faits d’importation entre 2019 et 2021, il n’avait alors pas assisté à ses procès. Après son retour forcé en France, il n’a pas acquiescé à ces condamnations, ouvrant la voie à de nouveaux procès, finalement regroupés en un seul sur trois jours. 

Miettes de thon et gélatine de bœuf

Au cœur de l’audience : plusieurs dossiers liés au port du Havre, sa ville natale, pour un total de plus de deux tonnes de cocaïne saisies, selon le dossier de presse du parquet de Lille. La drogue était dissimulée dans des cargaisons « légales », notamment « des gélatines de bœuf et des lames de bois en provenance d’Amérique du Sud, notamment du Brésil », ou encore dans un conteneur de « miettes de thon sous vide en provenance d’Équateur ». Un épisode cristallise aussi l’attention : dans un dossier portant sur la découverte de 141 kg de cocaïne en février 2019, un témoin avait alors identifié « deux commanditaires, dont Abdelkader Bouguettaia », avant de se rétracter en 2021.

Une autre enquête à Paris

Le parquet affirme que « les enquêteurs ont établi » que l’accusé l’avait contacté via une messagerie cryptée pour lui proposer une somme d’argent « substantielle », en échange du retrait de ses accusations. D’autant que ce volet lillois de trois jours n’épuise pas le dossier Bouguettaia. Le suspect a également été mis en examen en juin à Paris, notamment pour « importation de stupéfiants en bande organisée en récidive », dans une autre affaire portant sur l’arrivée au Havre d’un conteneur contenant 2,5 tonnes de cocaïne en provenance de Colombie.

Au regard de la gravité des accusations et de la hausse de la violence liée au narcotrafic ces derniers mois, le procès s’est ouvert avec un dispositif de sécurité renforcé. 

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Consigne rarissime, la presse a même reçu instruction de ne citer aucun nom de magistrat ni même d’avocat. Une avocate de l’accusé a ainsi demandé à un dessinateur de presse présent dans la salle d’audience de ne pas le croquer de manière reconnaissable. En 2024, le membre d’un groupe de narcotrafiquants avait mis à prix la tête de la directrice de la prison des Baumettes à Marseille. En mars, le garde des Sceaux Gérald Darmanin avait annoncé que « 150 magistrats en France sont aujourd’hui menacés par les trafiquants de drogue », dont « une dizaine » sous protection policière.

A.A.