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« 126.000 euros de frais de cocktails par jour, des salaires mirobolants, des taxis et des hôtels à prix d’or : la Cour des comptes a publié un rapport accablant sur France Télévisions. En plein débat budgétaire, alors que l’on demande toujours plus d’efforts aux Français, ces pratiques sont une provocation. Vivement la commission d’enquête sur l’audiovisuel public. Il est temps de faire toute la transparence sur ces dérives ». Ces mots datent du 12 novembre dernier, et sont signés Charles Alloncle, député de l’Union des droites et désormais rapporteur de la commission d’enquête sur la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public.

« Vous n’aviez pas lu le rapport »

Problème, ces chiffres ne correspondent pas à la réalité constatée par la Cour des comptes dans son rapport paru fin septembre. Invité de Benjamin Duhamel dans la « Grande matinale » de France Inter ce lundi 15 décembre, l’élu a été mis face à cette incohérence. « Pendant plusieurs semaines vous avez avancé la chose suivante, censée démontrer la gabegie à France Télévisions. Le 12 novembre sur votre compte X, voilà ce que vous écrivez : 126.000 euros de frais de cocktails par jour, sauf que ce chiffre n’existe pas. Il n’y a pas 126.000 euros de frais de cocktails par jour à France Télévisions, il suffit pour ça de lire le rapport de la Cour des comptes, annexe 18, page 163. Est-ce que vous reconnaissez une erreur ? », a lancé le journaliste.

« Ce chiffre a été sorti par un éditorialiste de BFMTV le matin de la sortie du rapport », s’est justifié le député de l’Hérault. « Et le jour même, écoutant BFMTV le matin, m’informant, j’ai repris ce chiffre. Effectivement, vous avez raison, il compte des frais de cocktails, de réception et de mission », a-t-il ajouté, sans faire son mea-culpa. « Donc c’est une erreur ? », a insisté Benjamin Duhamel. « C’est une erreur car c’est plus large », a finalement reconnu son interlocuteur. 

« Mais vous n’aviez pas lu le rapport de la Cour des comptes puisque pour dire qu’il y a 126.000 euros de frais de cocktails par jour, il suffit de le lire, le mot cocktail n’est même pas écrit », a continué Benjamin Duhamel. « Vous avez ‘frais de réception' », a tenté de se défendre Charles Alloncle, qui a enchaîné sur « les gabegies chez France Télévisions ». « Quand vous voyez qu’il y a eu près de 80 millions d’euros de déficit qui ont été cumulés, que la trésorerie aujourd’hui est négative, qu’il y a un risque de quasi-faillite reconnu par la Cour des comptes, que vous avez un salaire moyen de 72.000 euros chez France Télévisions qui les situe parmi les 9% des Français les plus riches et que vous avez 30 directeurs qui gagnent plus que le Président de la République, tous les Français conviendront de gabegies abyssales qui frappent aujourd’hui France Télévisions et qui mettent le service public en risque de disparition », a-t-il énuméré.

Fin septembre, l’AFP avait déjà démonté cette fake news. Titré « Non, France Télévisions n’a pas dépensé 46 millions d’euros en frais de réception en 2024 », l’article rappelait que ce chiffre de 46 millions d’euros avait été lancé par Charles Consigny, chroniqueur des « Grandes gueules » sur RMC qui avait affirmé le 24 septembre « qu’au sein du groupe France Télévisions les frais de réception se sont élevés à 46 millions d’euros en 2024, ce qui vous fait quand même 126.000 euros par jour ».

Mais si le rapport de la Cour des comptes a bien estimé que France Télévisions était dans une « situation financière critique », le montant de 46 millions d’euros qui auraient été consacrés à des frais de réception en 2024 au sein du groupe ne correspond pas aux chiffres figurant dans le dossier. En 2024, les « frais de réception et achats alimentaires (dont boissons) » ont représenté 3,2 millions d’euros, explique l’AFP, qui fournit la preuve en montrant le tableau issu d’une annexe du rapport dans lequel les chiffres sont inscrits. Dans ce tableau, un montant de 46 millions d’euros est bien présent, mais il s’agit d’un total comprenant les « frais de déplacements, de mission et de réception ». Si on isole ce qu’ont représenté réellement les frais de réception et achats alimentaires, le montant est donc près de 15 fois inférieur au chiffre lancé par Charles Consigny et largement repris par la classe politique, qu’il s’agisse de Charles Alloncle, Marion Maréchal ou Sarah Knafo.