On se disait bien que les annonces de création d’usines de semi-conducteurs, qui semblent pousser comme des champignons (très coûteux) aux États-Unis et en Asie, étaient bien plus rares en Europe.

Pourtant, l’Union européenne, dans ses ambitions couchées par écrit en 2023, était supposée avoir appris la leçon, à la suite de la pénurie de ces puces qui, après le Covid, a paralysé la plupart de ses usines de voitures. On allait en finir, ou du moins réduire, cette dépendance terrible aux puces, diodes, processeurs, transistors et autres cartes graphiques, importées de Taïwan, de Chine, de Corée du Sud, du Japon ou des États-Unis.

Détenir 20 % du marché mondial « semble hors de portée »

Caramba, encore raté ! L’Union européenne reste « distancée », selon un rapport sévère que vient de publier la Cour des comptes européenne. Elle estime qu’il y a « un fossé entre l’ambition affichée et les avancées réelles ». Elle invite l’Europe à « confronter d’urgence sa stratégie à la réalité du terrain ». Car l’objectif de détenir 20 % du marché mondial, qu’elle s’était fixé, « semble hors de portée ». Pour l’atteindre, il faudrait « multiplier par quatre sa capacité de production au cours des cinq prochaines années ». La Commission européenne n’en a pas les moyens : « Bruxelles ne gère que 5 % des 86 milliards d’euros estimés nécessaires jusqu’en 2030 » par le « Chips act », le texte européen qui donne le cap.

Le reste est censé être apporté par les entreprises et les États membres. Non seulement on n’y est pas, mais la somme semble faible au regard des 405 milliards d’investissements décidés par les géants du secteur dans le monde entre 2020 et 2023. À lui seul, le géant taïwanais TSMC, leader des composants nécessitant la plus forte miniaturisation, a annoncé 100 milliards d’investissements aux États-Unis.

Il faut dire que la bataille pour obtenir ces investissements en Europe est coûteuse : pour accueillir la nouvelle usine de STMicro et Global Foundries près de Grenoble, d’un coût de 7,5 milliards d’euros, l’État en a financé 2,9 milliards.

L’Europe va, certes, un peu progresser. Mais la part de sa production sur le marché mondial, qui était juste en dessous 10 % en 2022, passera à presque 12 % en 2030. À l’heure où l’intelligence artificielle décuple les besoins en semi-conducteurs, on est loin de la fameuse « autonomie stratégique » revendiquée, dans ce domaine comme dans d’autres.