En plus de Saint-Nazaire, où il a commandé quatre nouveaux géants de la classe World cette année, portant ainsi la série à huit unités, l’armateur italo-suisse MSC Cruises a signé avec le constructeur allemand Meyer Werft un accord en vue de réaliser une nouvelle série de six paquebots livrables à partir de 2030. Une commande qui était attendue, les Chantiers de l’Atlantique n’ayant pas la place disponible pour répondre à l’intégralité du colossal plan de développement du groupe MSC dans le secteur de la croisière.
Lundi 15 décembre, MSC Cruises a annoncé la première commande de paquebots de son histoire en Allemagne. Filiale du groupe Mediterranean Shipping Company, la compagnie italo-suisse, client historique et désormais principal des Chantiers de l’Atlantique, a déjà fait réaliser des navires par le constructeur italien Fincantieri (qui produit actuellement les nouvelles unités de sa branche luxe Explora Journeys) mais jamais encore chez Meyer Werft.
L’accord porte sur la commande au chantier Meyer Werft de Papenburg de quatre paquebots, avec une option pour deux supplémentaires, soit une nouvelle série de six unités en prévision. Formant la classe New Frontier, ces navires, livrables à raison d’un par an à compter de 2030, présenteront une jauge d’environ 180.000 tonneaux pour une capacité maximale de 5400 passagers. Même s’il s’agit de très gros paquebots, ces navires seront donc moins grands que les mastodontes de la classe World réalisés à Saint-Nazaire. Des géants de 216.000 tonneaux pouvant accueillir jusqu’à 6760 passagers dont les deux premiers exemplaires, les MSC World Europa et MSC World America, ont été livrés en octobre 2022 et mars 2025. Les troisième et quatrième, nommés MSC World Asia et MSC World Atlantic, entreront en flotte en octobre 2026 et à l’automne 2027. Les deux suivants sortiront en 2029, le septième en 2030 et le huitième et dernier de la série en 2031.
Pour la suite, les réflexions se poursuivent entre l’armateur et le constructeur français autour d’une nouvelle classe de paquebots. Mais, comme nous l’avions déjà expliqué il y a plusieurs mois, Saint-Nazaire n’a pas la capacité industrielle pour répondre à l’ensemble du plan de développement de MSC, ce dernier étant donc dans l’obligation de se tourner vers d’autres chantiers. Ce fut le cas entre 2017 et 2022 pour les quatre paquebots de la famille Seaside, réalisés par Fincantieri, auquel l’armateur a ensuite confié les six navires de sa nouvelle marque Explora Journeys. Dans le cas présent, Meyer Werft est mis à contribution pour produire la première classe de la future génération de paquebots de la compagnie, la production allant probablement débuter en Allemagne d’ici 2028. Pendant ce temps, les Chantiers de l’Atlantique, qui doivent aussi servir un autre client majeur, le groupe américain Royal Caribbean, termineront la classe World avant, normalement, d’enchainer sur une nouvelle série après 2031. Et il est assez probable que Royal Caribbean, après avoir réceptionné en 2028 les deux derniers paquebots commandés à ce jour en France, le 7ème et dernier géant de la classe Oasis (240.000 tonneaux, 6800 passagers) et le sixième et dernier Edge (141.400 tonneaux, 3950 passagers) de sa filiale Celebrity Cruises, a réservé une à deux places en 2030 pour des unités d’un nouveau type.
La commande placée chez Meyer Werft était donc attendue. La seule surprise est qu’on l’imaginait plutôt pour la filiale finlandaise du groupe allemand, le chantier de Turku, seul capable avec Saint-Nazaire de produire les plus gros paquebots commandés jusqu’ici. Mais il est bien occupé actuellement avec la série Icon de Royal Caribbean (250.800 tonneaux, 7600 passagers), dont le troisième exemplaire sera livré en 2026 (un autre est en construction pour 2027 et l’armateur a déjà placé des options pour deux navires supplémentaires). Et Turku a conclu en septembre dernier un accord stratégique avec Royal Caribbean afin de réserver des slots après 2030.
Alors que les deux armateurs se disputent donc les places dans les chantiers, MSC a probablement dû composer avec les disponibilités dans les chantiers du Nord de l’Europe, sachant que celui de Papenburg est plus contraint que Turku quant à la taille des navires qui y sont produits. Avec le projet New Frontier, MSC Cruises, qui aligne aujourd’hui une flotte de 23 paquebots (auxquels s’ajoutent les deux premiers navires d’Explora Journeys), va en tous cas pouvoir commencer à remplacer ses unités les plus anciennes. Il s’agit des MSC Armonia et MSC Sinfonia (65.500 tonneaux, 2340 passagers), mis en service en 2001 et 2002 et jumboisés en 2014 et 2015, ce qui fut aussi le cas des MSC Lirica et MSC Opera, d’un gabarit voisin, livrés en 2003 et 2004.
Pour Meyer Werft et le land de la Basse-Saxe, la commande de MSC consolide le plan de charge pour les 10 prochaines années, non seulement au chantier de Papenburg, qui emploie 3200 personnes, mais aussi aux 20.000 emplois qui dépendent de son activité. Le carnet de commandes du constructeur allemand comprenait jusqu’ici le paquebot Carnival Festivale (182.800 tonneaux, 6400 passagers) livrable en 2027 à la compagnie américaine Carnival Cruise Lines, ainsi que cinq navires pour le groupe Disney : deux unités de la classe Wish (144.000 tonneaux, 4000 passagers) dont une pour Oriental Land Company pour 2027 et 2028, puis une nouvelle série de trois paquebots de 100.000 tonneaux et 3000 passagers devant entrer en service en 2029, 2030 et 2031.
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