Après leur inattendue et inquiétante déroute de samedi à Glasgow, les Rouge et Noir – auteurs jusque-là d’un bon début de saison – voient leur parcours européen fortement se compliquer.
Quand un géant tombe, cela fait encore plus de bruit. La déroute du Stade Toulousain, qui menait 21-0 à la pause avant de disparaître totalement et d’encaisser un sévère 28-0, samedi sur la pelouse de Glasgow, fait grand bruit. Et interroge. Des Rouge et Noir – pourtant galvanisés par le retour d’Antoine Dupont dans la peau d’un titulaire pour la premier fois depuis janvier et auteur d’un essai – totalement méconnaissables, sans inspiration ni force de percussion après le repos. Étonnamment passifs, amorphes. Avant le match, Ugo Mola ne s’était pas trompé en parlant de «match très intéressant à préparer mais un peu inquiétant». Et de mettre en garde sur «l’intensité, le rythme et la capacité à exploiter leurs qualités qui font leur force».
Les chiffres de ce deuxième acte cauchemardesque pour Toulouse illustrent parfaitement la domination et la mainmise des Warriors : seulement 27% de possession et 36% d’occupation pour les Haut-Garonnais, 123 petits mètres parcourus balle en mains (contre 514 pour les locaux), une seule course dans les 22 m adverses (contre 28 !) et, encore plus éloquent, 150 plaquages réalisés par la bande à Jack Willis, contre seulement 16 en face. Et, pour couronner le tout, 6 en-avants contre aucun pour les Écossais.
C’est une claque. Il faut se regarder et repartir à fond
Julien Marchand
Des Toulousains qui ont explosé à l’heure de jeu, encaissant trois essais par Brown (57e), Tuipulotu (64e) et Hiddleston (69e). Stupéfaction et admiration outre Manche. «Les Galactiques de Toulouse ont été mis hors de combat par une équipe de Glasgow inspirée, lors d’une soirée complètement folle qui restera longtemps gravée dans les mémoires», salue la BBC sur son site. Le célèbre quotidien écossais The Scotsman poursuit : «Glasgow a renversé un géant et l’a fait grâce à l’une des plus grandes remontées jamais vues en 30 ans de Champions Cup.»
Ce qui fait logiquement dire à Ugo Mola, cité par L’Équipe, que Toulouse «a perdu pas mal de ballons sur les zones d’affrontement et notre banc n’a pas amené ce qu’on souhaitait qu’il amène, notamment sur la puissance et les déplacements à la fin, c’est une évidence». Déjà la semaine dernière, après le large succès face aux Sharks de Durban (56-19), le manager des Rouge et Noir avait pointé du doigt «quelques performances individuelles pas à la hauteur de ce qu’on veut faire». Première alerte. Pour le talonneur Julien Marchand, «c’est une claque parce qu’on a fait une bonne première mi-temps, on les a mis sous pression et on est restés dans leur camp. Il faut se regarder et repartir à fond».
Car, événement marquant, le Stade Toulousain n’avait plus connu la défaite en phase de poules de la Champions Cup depuis… le 15 janvier 2022 et un revers chez les Wasps (30-22), avant qu’ils ne connaissent une liquidation judiciaire. Lors de cette édition 2021-2022 fortement impactée par la crise du Covid-19, les joueurs d’Ugo avaient dû composer avec deux matches annulés (réceptions des Wasps et de Cardiff), avant d’aller battre le Munster aux tirs au but à Thomond Park (24-24) en quarts de finale et d’être corrigés par le Leinster en demie (40-17). Dans la foulée, Toulouse avait été invaincu en poules lors des trois éditions suivantes (12 succès), décrochant sa sixième et dernière couronne continentale en 2024.
Ce samedi, Romain Ntamack (toujours loin de son meilleur niveau) et ses coéquipiers ont affiché une fébrilité et une absence d’engagement qu’on leur connaît rarement. «Il n’y a pas d’excuses à trouver. Ils étaient plus forts que nous, maintenant il faut repartir lundi, insiste Julien Marchand. Bravo à Glasgow qui a fait un très bon match. Nous, on a fait trop de fautes, on a été trop indisciplinés et on a payé cash. Il va falloir repartir à fond.» La suite s’annonce pourtant compliquée. La première place de poule, qui peut garantir l’avantage de recevoir en phase finale jusqu’en demi-finale, semble abandonnée, avant un mois de janvier relevé et 100% anglais.
Glasgow-Toulouse : des Warriors en mode gladiateurs, Dupont en forme avant le cauchemar… Les tops et les flops
Avec d’abord un déplacement chez les Saracens londoniens (11 janvier) puis la réception des Sharks de Sale (17 janvier), deux équipes qui comptent également une victoire (contre Clermont à chaque fois) et une défaite. L’an dernier, en ne glanant pas le point du bonus offensif chez les Sharks sud-africains (8-20), Toulouse avait terminé deuxième de sa poule derrière l’UBB et été obligé de se déplacer au Stade Atlantique de Bordeaux en demi-finale (défaite 35-18).
Glasgow a désormais les cartes en mains pour terminer en tête de la poule. C’est un coup d’arrêt
Ugo Mola
Comment expliquer un tel jour sans des Toulousains, pourtant leaders du Top 14 avec seulement trois défaites (Montpellier, Bayonne et Pau, toutes à l’extérieur) pour huit victoires ? La semaine précédant cette douche froide écossaise avait été marquée par l’audition du club le plus titré du rugby français devant le Conseil de discipline du rugby français à propos de l’affaire du transfert nébuleux de Melvyn Jaminet.
Une affaire extrasportive qui colle aux basques du club haut-garonnais. La décision est attendue en début de semaine, avant une suite devant la justice pénale, puisqu’une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Toulouse en avril pour «abus de confiance». Des perturbations qui ont déjà fortement écorné l’image de l’institution toulousaine et qui pourraient avoir eu, se demande-t-on, des conséquences sur le sportif…
Reste à savoir comment le Stade Toulousain va rebondir en cette fin d’année. Avec deux déplacements, à Lyon le week-end prochain, puis à Perpignan en début d’année, avec, au milieu, la réception de La Rochelle. Il sera temps ensuite de replonger dans cette Champions Cup, qui a toujours été, culturellement, une ambition affichée des Haut-Garonnais. «C’est une campagne européenne qu’on savait dure eu regard à nos déplacements à Glasgow et aux Saracens. On a laissé pas mal de points ici, il faudra être en mesure de gagner les deux prochains matches pour exister, plante Ugo Mola. Mais Glasgow a désormais les cartes en mains pour terminer en tête de la poule. C’est un coup d’arrêt.»
Toulouse est dans les cordes, ce premier uppercut l’a sonné. Mais l’histoire a montré qu’il peut se relever. Malgré des défaites en poules en 2003 (London Irish, 32-29), 2005 (Northampton, 23-21) et 2010 (Cardiff, 15-9), le Stade Toulousain avait réussi à remporter la compétition.