Lundi 8 décembre, le ministère de la Culture a déclaré qu’un « faisceau d’indices importants » démontrait que le carnet de dessins du peintre néoclassique Jacques-Louis David (1748–1825) conservé au château de Versailles avait probablement été confisqué par les nazis à une famille juive pendant l’Occupation, confirmant les découvertes faites par la cellule investigation de Radio France qui a retracé le parcours du document. Le château appelle les descendants des propriétaires spoliés à se manifester afin de pouvoir le confirmer et procéder à une indemnisation ou une restitution.
Ce carnet contient des esquisses destinées à la réalisation du Serment du Jeu de paume, monumental tableau inachevé de l’artiste consacré à cet épisode important de la Révolution française – et dont une immense ébauche grandeur nature est présentée en ce moment au sein de la rétrospective événement qui lui est consacrée au musée du Louvre, où un autre carnet de dessins de David relatif à cette œuvre est également conservé.
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Des recherches menées avant une possible restitution
Ayant acquis le carnet en 1951 auprès d’un « marchand sérieux », le château de Versailles dit n’avoir eu au moment de l’achat « aucun doute sur sa provenance ». Celle-ci n’avait donc « pas encore été examinée », mais « allait l’être », dans le cadre des recherches relatives aux spoliations, menées avec de plus en plus d’attention ces dernières années.

Jacques-Louis David, Étude pour le serment du Jeu de Paume, 1790–1791
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Mine de plomb et crayon noir • 19,8 × 13,2 cm • © château de Versailles, Dist.RMN presse / © Christophe Fouin
De son côté, un descendant du propriétaire d’un carnet de dessins de David, dont la confiscation avait été signalée à l’État en 1945, a découvert l’existence de celui conservé dans l’ancienne demeure du Roi-Soleil. Or il est « assez probable » qu’il s’agisse du même carnet, a déclaré à l’AFP Laurent Salomé, directeur du musée national des châteaux de Versailles et du Trianon. Mais celui-ci n’a pas encore eu de contact avec la famille concernée, des « recherches complémentaires » devant être menées pour déclencher une procédure de restitution. « On ne demande qu’à faire avancer les recherches et à prendre les mesures qu’il faut », a-t-il précisé.
Un tableau spolié au cœur d’une controverse en Belgique
Depuis fin novembre, le musée des Beaux-Arts de Gand fait, quant à lui, polémique en refusant de restituer le Portrait de l’évêque Antonius Triest de Gaspar De Crayer (après 1630), non exposé dans ses salles, aux héritiers du marchand d’art Samuel Hartveld, forcé d’abandonner ses biens en 1940 en fuyant les nazis, qui s’en étaient alors emparés pour les revendre. Le musée argue que la famille a déjà été indemnisée quelques années après la guerre, quand la peinture n’avait pas encore été localisée. Face à ce refus qui est une première en Europe, et à contre-courant de la tendance actuelle, plusieurs institutions et associations ont exprimé leur « profonde indignation », estimant que cela prolongeait les souffrances des victimes et minimisait la gravité de la spoliation, geste d’effacement préliminaire à l’extermination physique.
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