Par
Martin Leduc
Publié le
28 avr. 2025 à 19h21
Plusieurs articles de presse évoquent une récente décision du Conseil d’État qui a « sauvé » quelque 420 000 ralentisseurs en France. La vérité est bien plus complexe.
Justement, les ralentisseurs sont plutôt menacés après cette prise de position, qui entérine une décision de justice qui fait désormais office de jurisprudence. On vous explique.
Des ralentisseurs pas aux normes ?
Le point de départ, c’est cette saisine de la justice par l’association Pour une mobilité sereine et durable (PUMSD), qui cherchait par tous les moyens à contrer l’implantation exponentielle des coussins berlinois et autres ralentisseurs trapézoïdaux.
L’association considère qu’ils ne sont pas aux normes, et provoquent des dommages aux voitures, mais aussi aux habitations alentour, qui souffrent de fissures provoquées par le va-et-vient et les rebonds incessants des véhicules.
Quelles sont les règles concernant les dispositifs de ralentissement ?
Le guide Cerema (ex Certu) estime qu’un ralentisseur trapézoïdal doit mesurer 4 mètres de long et ne pas monter à plus de 10 cm.
Le décret de 1994 , de son côté, fixe des règles sur l’implantation des dispositifs, arguant, par exemple, qu’un ralentisseur ne peut être seul, et doit être couplé à un autre aménagement concourant à la réduction de la vitesse. Le dispositif doit notamment être signalisé, et ne peut être installé ni sur une route dont la vitesse est limitée à plus de 30 km/h, ni sur une zone où l’affluence dépasse les 3 000 véhicules par jour.
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D’abord, le tribunal de Toulon en 2021, qui « nous a déboutés », raconte Thierry Modolo-Dominati, porte-parole de l’association, auprès d’actu.fr. « Selon lui, les ralentisseurs sont conformes au guide Certu, devenu depuis le Guide Cerema », explique le porte-parole.
En 2022, l’association fait donc appel auprès de la Cour d’appel de Marseille, qui confirme les dires du tribunal de Toulon. Mais comme la décision ne convient toujours pas à PUMSD, c’est cette fois le Conseil d’État qui est saisi. Lequel casse la décision de la cour d’appel de Marseille pour défaut de motivation.
Cette petite phrase qui a tout changé
De là, la Cour d’appel se saisit à nouveau du dossier, et écrit noir sur blanc une phrase qui change tout pour l’association.
En fait, les ralentisseurs trapézoïdaux doivent respecter certaines normes, selon un décret de 1994. Sauf que jusque-là, on « jouait » sur l’appellation des dispositifs pour en construire un peu comme on le voulait. Et dans sa décision du 30 avril 2024, la cour d’appel de Marseille a expliqué clairement que les règles doivent s’appliquer à tous les types de ralentisseurs, quel que soit leur nom.
Thierry Modolo-Dominati
Porte-parole de l’association Pour une mobilité sereine et durable (PUMSD)
Comme la Cour d’appel n’ordonne toujours pas la destruction des ralentisseurs jugés illégaux par PUMSD, le Conseil d’État est de nouveau saisi. Lequel a rejeté la saisine en partant du principe que ce que la Cour d’appel de Marseille avait écrit était suffisant.
« C’est ça qui change tout : ça entérine le principe selon lequel tous les dispositifs ralentisseurs doivent respecter les normes du décret de 1994. Ce qui n’est pas du tout le cas aujourd’hui : 95 % des 450 000 que l’on trouve en France ne sont pas légaux », estime Thierry Modolo-Dominati.
Des procédures sont désormais possibles
« Il y en a sur des routes où passent largement plus de 3 000 voitures par exemple, ou sur des voies où la vitesse limite est au-dessus des 30 km/h », liste-t-il.
Le fait que le Conseil d’État entérine la décision de la cour d’appel de Marseille est une révolution pour les dispositifs de ralentissement : « Cela signifie que, maintenant, on peut attaquer sur la base de la légalité, et non plus sur les normes. En fait, ils n’ont pas ordonné la destruction de tous les ralentisseurs, mais ils n’en ferment pas du tout la porte », s’enthousiasme un peu le porte-parole pour qui c’est clairement un début de victoire.
Désormais, la dimension du ralentisseur ne peut plus servir de base d’attaque, seul l’emplacement du ralentisseur « fonctionne ». « Raboter un ralentisseur ne sera plus suffisant, s’il est positionné à un endroit où il ne devrait pas l’être », glisse Thierry Modolo-Dominati, qui informe, au passage, que des procédures ont déjà réussi, là où 200 autres sur tout le territoire sont en cours.
Nouveau bras de fer à venir ?
Lesdites procédures pourront d’ailleurs être menées contre les élus, responsables, en cas d’accident. « Cela fait des années que l’on se bat contre ces bosses sur les routes, dont la construction a coûté 10 milliards d’euros entre 2012 et aujourd’hui, et dont la destruction coûtera entre 5 et 7 milliards d’euros », continue Thierry Modolo-Dominati.
Sachant que selon le porte-parole, c’est aux entreprises qui ont construit les dispositifs de rembourser : « elles ont un devoir de conseil, et elles ne l’ont pas respecté », se désole-t-il.
Ce sera donc à la justice de décider, dans ce qui sera certainement un gros bras de fer.
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