« Il faut remettre la bouteille de vin de Bordeaux à table », lance Philippe Tapie, le président de Bordeaux Négoce et futur coprésident du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « Nous devons faire évoluer nos produits vers des vins plus légers, frais et digestes tout en éduquant les jeunes générations. Mais il faut aussi cibler les trentenaires et quadragénaires qui sont déjà consommateurs de vins », poursuit le négociant bordelais alors que l’interprofession a adopté le 15 décembre sa nouvelle feuille de route marketing 2026-2029.

« L’urgence, c’est de faire des ventes »

Et ce document, qui doit faire avec un budget en baisse, assume de faire le tri dans ses objectifs. « Bordeaux est très connu mais pas suffisamment désiré. La commercialisation n’est pas au rendez-vous. Il faut donc prioriser notre action pour éviter le saupoudrage », présente Florence Bossard, la directrice marketing du CIVB. « L’urgence, c’est de faire des ventes à des prix rémunérateurs pour tous les acteurs ! », ajoute-t-elle alors que les stocks sont pleins et les prix au plus bas.

À l’export, les efforts porteront donc sur les marchés où Bordeaux est traditionnellement fort – États-Unis, Chine, Japon, Royaume-Uni et Belgique – sans s’interdire des campagnes d’opportunité comme au Canada où le bannissement des vins californiens a ouvert des parts de marché.

Cibler les 25-40 ans

Mais la France, qui pèse 55 % des volumes de Bordeaux et 40 % de la valeur, n’est pas en reste. Alors que Bordeaux est parti ces dernières années à l’assaut de la génération Z (les moins de 25 ans) à grand renfort de campagnes sur les réseaux sociaux, il est désormais question de cibler un public plus âgé et, a priori, disposant de davantage de pouvoir d’achat.

« Nous devons améliorer notre désirabilité auprès des 25-40 ans qui boivent déjà du vin en priorisant notre présence dans les réseaux sélectifs : cavistes, réseaux spécialisés, leaders d’opinion », poursuit Florence Bossard. Pour cela, le vignoble entend davantage s’appuyer sur les appellations d’origine contrôlée qui sont sa force : Bordeaux/Bordeaux Sup, Médoc, Rive droite (Saint-Émilion, Pomerol, Fronsac), Graves-Sauternes-Pessac Léognan, Blaye et Bourg, Entre-Deux-Mers.

Et les vins de Bordeaux, qui sont encore à 81 % du rouge, continuent à se diversifier avec le crémant, le Claret ou encore le Médoc blanc et, bientôt, du Saint-Émilion blanc. « Bordeaux c’est une addition de spécificités et de particularités. Il faut s’émanciper des cadres canoniques qui nous ont étouffés. On ne doit rien s’interdire mais on ne doit pas non plus faire n’importe quoi », répète Philippe Tapie. Il plaide notamment pour des étiquettes plus modernes et pour une incarnation plus forte du vignoble.

Une campagne nationale pour la Gen Z

Pour autant, la génération Z ne sera pas délaissée par la filière vin qui orchestrera une campagne nationale en 2026. « Nous travaillons avec les autres régions viticoles pour lancer une campagne marketing commune à destination des 18-25 ans. Nous avons déjà l’accord des vins de Bordeaux, de Loire, du Rhône, du Languedoc-Rousssillon, de Provence et du Beaujolais », précise Bernard Farges, le président du CIVB et du Comité national des interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique.

Quelle que soit la cible, le millésime 2025 qui s’annonce en petite quantité mais en grande qualité, nourrit des espoirs de rebond. « 2025 sera un très grand millésime. Il faut que les gens repartent des primeurs avec le sourire et avec l’envie d’acheter. Il faut donc un prix qui soit une évidence », esquisse Philippe Tapie.