Ce devait être une révolution systémique, l’Europe allait devenir le premier continent neutre en carbone à l’horizon 2050, 100 % des voitures neuves vendues en Europe à partir de 2035 seraient «zéro émission de CO2», le Vieux Continent se voyait en tête de pont d’un nouveau monde, plus écologique et plus sobre, sonnez hautbois, résonnez musettes ! Ce «Pacte vert» date de 2019, il y a six ans seulement, et cela nous semble remonter à un siècle, un autre espace-temps. Depuis, les climatosceptiques ont pris le contrôle des Etats-Unis, la Russie est de plus en plus menaçante, la Chine inonde l’Europe de ses produits et l’extrême droite tisse sa toile un peu partout en torpillant tout ce qui peut aller à l’encontre des intérêts des entreprises, même si cela doit affecter l’avenir de la planète et la santé du consommateur.

En renonçant, mardi, à imposer aux constructeurs automobiles de passer au tout-électrique en 2035, face à la crise que traverse le secteur en Europe, Bruxelles a cédé aux pressions des Allemands, de la droite et de l’extrême droite qui réclamaient d’autoriser à nouveau une part limitée de voitures thermiques afin de lutter contre la concurrence chinoise. Certes, ce n’est pas la fin du «Pacte vert», c’est juste un coup de frein, motivé par un impératif économique et industriel immédiat. Mais Bruxelles a tendance à beaucoup freiner ces temps-ci dès qu’il s’agit d’environnement.

Mardi, la directive visant à contraindre les grands groupes européens de s’assurer que leurs fournisseurs ne violent pas les droits humains et ne détruisent pas l’environnement (en réaction au drame du Rana Plaza en 2013) a été vidée de sa substance et son entrée en vigueur a encore été repoussée. Quant au mécanisme de réévaluation des pesticides dans l’UE, il a été «simplifié». On n’est donc pas à l’abri que le «détricotage» vert se poursuive. Les menaces politiques, économiques et militaires qui pèsent sur l’Europe provoquent ces temps-ci un sauve-qui-peut qui pousse à privilégier le court terme. La défense de l’environnement va devoir redevenir un combat.