Le laboratoire à taille réelle du réemploi est bien en train de sortir de terre à Strasbourg (Bas-Rhin). Pour son nouveau collège de 6 200 m² SP en construction à l’emplacement de l’ancien hôpital militaire Lyautey, la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) confirme une ouverture à la rentrée 2026. La particularité de cette opération de 29,5 M€ TTC (OPC : Economie2) n’entrave donc pas pour l’instant son calendrier, malgré l’ambition élevée : maximiser la réutilisation des matériaux et équipements qui avaient servi sur le site même pendant plus d’un siècle, non seulement en mobilier intérieur et en revêtement extérieur, mais aussi et surtout sur une partie des structures. « L’année de préparation dont nous avons pu disposer pour relever le défi a été très précieuse », reconnaît Pascale Jurdant-Pfeiffer, élue de la CEA pour le quartier d’implantation du Neuhof. Elle a été rendue possible par le proto-aménagement de l’entreprise GCM TP pour le compte de l’établissement public foncier d’Alsace qui a rétrocédé le terrain à la CEA.
Réutilisation de briques en maçonnerie.
L’étape préalable a en effet été mise à profit pour recenser les quantités potentielles et les degrés de qualité des matériaux disponibles. Le volet le plus original concerne le gros œuvre réalisé par Seltz Constructions avec la réutilisation sur place des briques dans leur vocation initiale de maçonnerie. Certes, dans des proportions restreintes (20 % de la ressource, soit la part qui ne s’est pas cassée lors de son criblage), mais dans des quantités non négligeables : environ 110 000 unités forment les murs de plusieurs bâtiments du nouvel ensemble.
« Les échanges avec le bureau de contrôle Socotec ont abouti à valider la conformité avec le DTU maçonnerie et ainsi à classer la mise en œuvre en “technique courante”, assurable. A contrario, réutiliser les briques en parement aurait nécessité une Atex [appréciation technique d’expérimentation, NDLR] », relate Diane Rolin, cogérante de Nunc Architectes. L’agence conduit l’équipe de maîtrise d’œuvre, au sein de laquelle la société coopérative Boma se charge du sujet réemploi.
Conformer les briques au DTU a nécessité de multiples analyses en laboratoire et une mission complémentaire de Socotec de « requalification » du matériau. Ces suppléments viennent réduire le gain économique du réemploi, initialement d’environ 50 % par rapport à de l’achat neuf.
Du bon vieux bois.
La quasi-totalité des 90 % de briques « recalées » en maçonnerie est cependant recyclée, et in situ. Après leur concassage, elles entrent dans la composition des revêtements de sol extérieurs. Quant aux éléments en grès (pierres de taille, corniches et encadrements de fenêtres), ils sont réaffectés aux soubassements du nouveau collège.
Le bois n’est pas en reste avec 60 % des anciennes solives et charpentes qui reprennent leur fonction dans une partie des surfaces neuves, via la PME Sertelet, titulaire du lot de charpente bois. « Leur haut degré de qualité au bout d’un siècle vient rappeler combien nos prédécesseurs savaient bien travailler la ressource », admire Diane Rolin. Ces éléments anciens soutiendront la comparaison avec le bois neuf : ossatures de murs, CLT nervuré pour des planchers et plafonds, etc.