Par
Anaelle Montagne
Publié le
16 déc. 2025 à 17h02
Le procès de Stéphane R., ancien policier accusé d’avoir violé et agressé sexuellement cinq femmes au sein même du commissariat de Jolimont à Toulouse, s’est ouvert vendredi 12 décembre 2025. Dès le premier jour d’audience, deux de ses cinq victimes présumées ont livré des témoignages accablants devant les Assises. Celui qu’elles accusent de les avoir « détruites » se tient là, à moins d’un mètre d’elles…
Une lanceuse d’alerte
Maria (*) a été la première à avoir dénoncé Stéphane R., en 2018, alors qu’elle était entendue pour une toute autre affaire à la gendarmerie. Devant les militaires, elle a raconté l’insoutenable : elle aurait été violée et agressée sexuellement par un policier, l’année précédente, dans un appartement puis au sein du poste de police de Jolimont.
Ce témoignage, suivi de l’audition du brigadier-chef mis en cause, a mené à l’ouverture d’une enquête de l’IGPN (la police des polices), qui a permis de retrouver plusieurs autres victimes présumées. « Ma cliente est une lanceuse d’alerte », soutient l’avocate de Maria, Me Saliha Salek.
Il veut qu’elle le suive jusqu’à l’appartement
Maria entre dans la salle essoufflée, appuyée sur des béquilles. D’un accent prononcé, elle se lance dans son récit. Le 7 mars 2017, elle est convoquée au commissariat de Jolimont et reçue par le brigadier-chef pour une confrontation avec son ex-conjoint, à l’issue de laquelle elle est en pleurs. Seul avec elle dans le bureau exigu, Stéphane R. la prend dans ses bras. Il lui caresse les cheveux. Cette fois-ci, les gestes inappropriés s’arrêtent là, explique Maria.
Lors d’une seconde convocation, quelques jours plus tard, la mère de famille est reçue par le même policier. Il sait qu’elle « fait des ménages » et lui propose de venir visiter l’appartement d’une amie, dans lequel il aimerait qu’elle travaille. « Je ne voulais pas y aller, j’ai dit que j’avais rendez-vous avec un autre service », relate-t-elle. Mais Stéphane R. appelle le service en question, vérifie son rendez-vous, insiste auprès Maria : il veut l’amener dans ce logement.
« Monte, n’aie pas peur, il n’y en a pas pour longtemps »
Résignée, la quinquagénaire finit par accepter de monter dans sa voiture. De manière presque chirurgicale, elle décrit la route, le grand portail blanc, l’escalier de l’immeuble. « Là, il me dit : monte, n’aie pas peur, il n’y en a pas pour longtemps. »
Une fois à l’intérieur, toujours selon son témoignage, le policier l’enjoint de s’installer sur un canapé clic-clac. « Je lui dis que non, que je suis là pour travailler », souffle Maria à la barre. « Mais là il me dit : laisse tomber, oublie. Il sort son sexe et il me dit de lui faire… » Ce qu’aurait alors demandé le policier, c’est une fellation. Mais la mère de famille est incapable de prononcer le mot.
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« Laissez-moi partir »
Le silence pèse dans la salle. Stéphane R. est impassible. À la barre, Maria oscille entre colère et fébrilité. Elle parle au présent, comme si elle revivait la scène. « Là, il m’attrape la tête et son sexe rentre dans ma bouche », raconte la quinquagénaire.
Selon son récit, elle se débat, mais Stéphane R. s’énerve, l’attrape violemment et la jette par terre. « Il me maintient d’une main et il pose tout son corps sur ma poitrine. » Maria a du mal à déglutir. Elle explique qu’ensuite, le brigadier-chef lui impose une pénétration.
Après l’horreur, il l’aurait enjointe de prendre une douche avec lui. « Il a insisté pour la douche, j’ai dit non. Il me surveillait. Pendant qu’il se lavait, je regardais la porte pour sortir, mais il n’y avait pas la clé. J’ai dit : laissez-moi partir ! Et puis, il a fini par me ramener jusqu’à ma voiture. »
Reconvoquée à deux reprises
« Le soir, en rentrant chez moi, je n’étais pas bien… Je criais, je regardais les portes… », se souvient la mère de famille. Après les faits, elle est reconvoquée à deux reprises au commissariat de Jolimont. Durant un rendez-vous, Stéphane R. aurait à nouveau sorti son sexe, posant sa main sur sa poitrine, mais Maria serait parvenue à s’enfuir.
Depuis, je me sens sale. Il m’a détruite… C’est ma dignité !
Maria
Victime présumée du policier
La quinquagénaire est si marquée par les faits qu’elle a décidé de changer de prénom. Auprès d’Actu Toulouse, elle confie ce qu’elle attend de l’audience : que l’ancien policier « dise la vérité ». « Il ment, depuis le début, et je ne supporte pas le mensonge ».
Suspecté d’agresser des victimes en détresse
Après le témoignage de Maria, c’est au tour de Sarah (*) de prendre la parole. Elle est venue directement de Martinique pour assister au procès de celui qu’elle accuse de l’avoir agressée sexuellement.
Le 15 décembre 2017, la trentenaire aux tresses nouées en chignon est victime d’un accident de voiture à Toulouse. Choquée, elle subit ensuite les propos racistes du conducteur qui l’a percutée. Lorsqu’elle arrive au commissariat, elle est en pleurs. Comme toutes les victimes présumées de Stéphane R., souligne le directeur d’enquête de l’IGPN.
« Il a photographié mon corps avec ses mains »
« Quand on est rentrés dans le bureau, quasi immédiatement il m’a prise dans ses bras. Pour moi, il me consolait. Mais, ça n’était pas son intention puisqu’il ne s’est pas contenté de ça. » À demi-mot, Sarah raconte que le brigadier-chef descend alors ses mains le long de son corps, pour finir sur ses fesses.
« Il a photographié mon corps avec ses mains », lâche la trentenaire, faisant soudainement preuve d’une clarté déconcertante. « Je me suis pétrifiée. Je ne savais plus quoi faire. Mon cerveau ne fonctionnait plus ». Comme si de rien n’était, le policier « a ensuite fait le tour de son bureau », avant de prendre sa plainte. Autre fait étonnant et quasi systématique dans l’affaire : il finira par raccompagner sa victime présumée, non pas jusqu’à l’accueil, mais jusqu’à sa voiture.
Un mail de l’IGPN
Après les faits présumés, Sarah garde tout pour elle. « J’ai longtemps cru que j’avais fait quelque chose pour provoquer ça. Pourtant, j’étais habillée normalement… », souffle-t-elle. Ce qui l’a finalement poussée à en parler ? Un mail, envoyé par l’IGPN à toutes les femmes reçues par le policier entre 2017 et 2018, qui visait à retrouver d’autres victimes potentielles.
En lisant ça, je me suis dit que quelqu’un avait eu le courage que je n’avais pas eu.
Sarah
Victime présumée de Stéphane R.
Pour terminer, elle remercie le courage de Maria, la première à déposer une plainte contre Stéphane R. Le procès pour viols de l’ancien policier, démis de ses fonctions depuis sa mise en examen, se poursuit jusqu’au mercredi 17 décembre 2025.
(*) Les prénoms ont été changés
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