Par

Nicolas Zaugra

Publié le

16 déc. 2025 à 18h16

La députée PS du Rhône Sandrine Runel a plusieurs fois critiqué le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet tout en restant dans sa majorité. Son parti a bien signé un accord d’union de la gauche en novembre dernier en vue des municipales 2026. L’élue défend les premières mesures du maire sortant annoncées il y a quelques jours (logement, santé, stationnement, sécurité).
Dans une interview accordée à actu Lyon, elle n’écarte pas une alliance avec LFI, évoque la possible gratuité des TCL le week-end dans le futur programme et s’en prend à Jean-Michel Aulas. La socialiste dénonce ses propositions et l’accuse de « connivences » avec l’extrême droite quand il était patron de l’OL.

« Un programme complet courant février »

Actu : Grégory Doucet vient d’annoncer officiellement son entrée en campagne. Pourquoi maintenant ?

Sandrine Runel : Grégory Doucet est désormais candidat à sa réélection, tout en restant maire de Lyon. C’est quelque chose de naturel : il était logique qu’il reste pleinement maire le plus longtemps possible. Le calendrier de campagne a été volontairement décalé. Il y a d’abord eu un temps consacré à l’annonce de l’union de la gauche, dès le premier tour, ce qui n’était pas le cas en 2020. Aujourd’hui, le temps des mesures arrive, et il va se poursuivre jusqu’à l’élection. Un programme complet sera dévoilé courant février.

Les sondages donnent pourtant Jean-Michel Aulas largement en tête, avec près de 47 %, contre environ 23 à 25 % pour Grégory Doucet. Comment combler un tel retard ?

SR : Jusqu’à présent, nous n’étions pas en campagne. Les Lyonnais savent qu’il y aura des élections municipales en mars, mais mars reste encore loin. Pendant ce temps-là, la machine Aulas était déjà lancée, avec des annonces, des alliances à droite et des discussions parfois tendues à la Métropole, avant un accord final.

Le second mandat sera-t-il dans la continuité du premier ?

SR : Il y aura une continuité, clairement. L’idée est de dire : regardez ce que nous avons fait, et maintenant, poursuivons ensemble. Mais il y aura aussi des réorientations, avec un travail plus approfondi sur certains sujets qui n’ont pas été suffisamment traités lors du premier mandat. Les questions de sécurité, de logement et de pouvoir d’achat. Le second mandat devra apporter des réponses encore plus concrètes sur ces sujets essentiels.

Grégory Doucet (au centre), maire écologiste de Lyon avec Sandrine Runel (à droite), députée PS et Augustin Pesche, chef de file du parti communiste.
Grégory Doucet (au centre), maire écologiste de Lyon avec Sandrine Runel (à droite), députée PS et Augustin Pesche, chef de file du parti communiste. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)« Jean-Michel Aulas est objectivement un candidat de droite »

Cherchez-vous aussi à réinstaller un clivage gauche-droite face à Jean-Michel Aulas ?

SR : Ce n’est pas une estimation personnelle : Jean-Michel Aulas est objectivement un candidat de droite. Il est soutenu par Horizons, le MoDem, Renaissance, et par Laurent Wauquiez. On l’a vu signer un accord avec Pierre Oliver, main dans la main, sourire aux lèvres. Il n’y a aucun mouvement de gauche derrière lui. Il incarne clairement le camp de la droite.

Pourtant, les sondages montrent qu’il séduit un électorat très large, y compris au-delà de la droite…

SR : C’est justement ce qui interroge. Les études montrent qu’il parle à des électeurs de droite, à une partie de la gauche, et même à des électeurs qui se disent proches de l’extrême droite. Quand un candidat rassemble aussi largement, il faut se demander quel message politique il envoie pour susciter ces adhésions très diverses.

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Vous évoquez même des proximités avec l’extrême droite… Vous vous basez sur quoi pour lancer ces affirmations ?

SR : Oui. Notamment à travers certains clubs de supporters dans le football, où des propos racistes ou xénophobes ont été tenus sans être clairement condamnés. La moindre des choses, quand de tels propos existent, c’est de les dénoncer fermement. Or, cela n’a pas toujours été le cas.

La gratuité des TCL le week-end « en réflexion »

Vous critiquez la gratuité totale des transports proposée par Jean-Michel Aulas, alors que le PS est historiquement favorable. N’y a-t-il pas une contradiction ?

SR : Non, parce que nous sommes favorables à la gratuité des transports de manière ciblée et réaliste. D’ailleurs, cette gratuité existe déjà dans certaines villes, comme Montpellier. En revanche, à Lyon, aujourd’hui, nous ne serions pas en capacité de gérer une gratuité totale des transports en commun.

Quelle est donc votre alternative ?

SR : Nous défendons une gratuité ciblée : les familles, les jeunes de moins de 18 ans, et des publics aujourd’hui insuffisamment couverts. Ensuite sur certains moments clés, comme les week-ends. Il est important que le samedi et le dimanche, si l’on veut circuler en Presqu’île, on puisse le faire gratuitement en transports en commun.

Ces propositions figureront-elles dans le programme de Grégory Doucet ?

SR : Oui. Certaines sont déjà bien avancées, d’autres sont encore en cours de réflexion, notamment la gratuité le week-end. Mais ce sont des orientations que nous portons clairement au sein de l’exécutif et qui seront intégrées au programme.

Le métro de Lyon sera exploité par la RATP dès le 1er janvier 2025.
Le métro de Lyon. (©Adobe Stock)L’alliance avec LFI « se posera au soir du 1er tour »

LFI a décidé de présenter une liste au 1er tour, vous envisagez une alliance au second tour ?

SR : Aujourd’hui, ce que nous disons très clairement, c’est que nous sommes en campagne pour gagner la Ville de Lyon et obtenir un second mandat. Nous portons une liste qui reflète la majorité sortante : des écologistes, des socialistes, des communistes, mais aussi des forces issues de la société civile. C’est cette alliance qui a gouverné ensemble et qui a démontré sa capacité à travailler collectivement.

Cela signifie-t-il que toute alliance avec La France insoumise est exclue ?

SR : Non, ce n’est ni exclu ni automatique. Aujourd’hui, je me concentre sur l’essentiel : notre adversaire, c’est Jean-Michel Aulas et la droite. Mon énergie est entièrement mobilisée pour combattre leur projet, leurs mensonges et leur manière de faire campagne, et pour obtenir le meilleur score possible au premier tour.

Donc la question reste ouverte ?

SR : Oui. Elle se posera clairement au soir du premier tour. À ce stade, il serait prématuré de donner une réponse définitive. Pour l’instant, notre priorité est claire : rassembler largement dès le premier tour autour de notre projet et de notre alliance actuelle.

Jean-Michel Aulas « n’a ni l’empathie, ni la vision, ni la compréhension de Lyon »

Vous attaquez la campagne d’Aulas sur l’angle des contre-vérités, des mensonges, et de son ancrage à droite. Mais pour l’instant, cela ne semble pas se traduire dans les sondages. N’avez-vous pas peur que cette stratégie ne fonctionne pas ?

SR : Je ne suis pas dans une logique de polémique autour des “fake news”. Ce que j’essaie de mettre en avant, c’est surtout son impréparation et son manque de culture en matière de politiques publiques. Je ne parlerais pas d’incompétence au sens large, car il a d’autres qualités, mais clairement d’une absence de compétence politique pour gérer une collectivité.

Il lance de grandes annonces sans jamais parler de leur financement ni de leur faisabilité. À ce jour, nous n’avons toujours pas vu de programme chiffré. C’est cela que je veux dire aux Lyonnaises et aux Lyonnais, avec transparence : voilà ce que l’on risque si on ne regarde pas de près la réalité des compétences et des responsabilités.

Jean-Michel Aulas avec Véronique Sarselli et les co-présidents de groupe de l'opposition à la Métropole de Lyon.
Jean-Michel Aulas avec Véronique Sarselli et les co-présidents de groupe de l’opposition à la Métropole de Lyon. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)

On peut vous rétorquer que Grégory Doucet n’avait lui non plus jamais exercé de mandat avant 2020…

SR : Il y a une différence entre ne pas avoir exercé de mandat et ne pas avoir de culture politique ou d’intérêt pour la chose publique. Grégory Doucet avait une véritable appétence pour les politiques publiques, un projet collectif, et une équipe solide. J’ai parfois l’impression que l’unique motivation de Jean-Michel Aulas est de “foutre dehors les écologistes”, plus que de porter une vision pour la ville.

En quelques mots, comment qualifieriez-vous Jean-Michel Aulas ?

SR : C’est quelqu’un qui incarne une réussite professionnelle incontestable, notamment dans le monde des affaires et du sport. C’est tout à fait honorable. En revanche, il ne me semble pas avoir l’empathie, la vision ni la compréhension de ce qu’est l’âme d’une ville et des politiques publiques nécessaires pour ses habitants.

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