Cette année, les lockers, ces casiers automatiques de retrait et dépôt de colis, ont des allures d’antichambre du Père Noël. À l’approche des fêtes, des cadeaux par milliers transitent par ces consignes avec un volume de livraisons en hausse de 9 % en 2025, selon Geopost, après une progression de 80 % l’an passé, indique Mondial Relay.

De plus en plus d’usagers optent pour ce service, accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qui réduit les échecs de livraison. Ces casiers   fleurissent partout  », affirme Jérôme Libeskind, expert en logistique. Ils poussent sur les parkings, à l’entrée des villes, dans les gares, en pleine campagne, au pied de résidences, dans les jardins…

Chronopost vise 6 000 consignes en fin d’année, Amazon 5 000, Mondial Relay 9 000 contre 300 en 2021. Les paysages se trouvent transformés par ces armoires métalliques grimées aux couleurs des entreprises : orange fluo pour Amazon, rouge et blanc pour Mondial Relay, jaune vif pour Pickup (groupe La Poste), bleu canard pour Vinted…

Un déploiement anarchique

Mais cela pose des problèmes. À Épinal par exemple, un casier Amazon avait été installé devant la gare  en abords et dans le champ de visibilité d’un monument historique »,selon un avis défavorable des Architectes des bâtiments de France. Des riverains déplorent aussi les nuisances comme des portières qui claquent, des moteurs qui tournent, des stationnements gênants… Ce n’est pas un lieu de commerce ici »,s’insurge ainsi Moran, riverain d’un casier Mondial Relay installé dans un jardin privé à Orvault, au nord de Nantes (Loire-Atlantique). Il redoute que sa rue ne devienne un point de passage permanent.

 C’est inadapté à ce quartier résidentiel », tranche la mairie qui a été mise devant le fait accompli. L’installation, occupant moins de 5 m², ne nécessite pas d’autorisation, mais son emplacement,  trop proche de l’espace public »,n’est pas conforme au Plan local d’urbanisme métropolitain (PLUM). Une régularisation a donc été demandée.

 Il appartient au partenaire de vérifier si le PLU de sa commune l’autorise à procéder à l’installation d’un locker », se défend Mondial Relay. Son site indique qu’il suffit d’un espace extérieur de 4,5 m² avec un dégagement de 80 cm pour installer un casier. L’entreprise assure l’entretien du dispositif et verse un petit loyer mensuel au propriétaire.

Ce bras de fer entre élus locaux et exploitants de lockers est loin d’être un cas isolé. À Rives-en-Seine (Seine-Maritime), le bailleur social Habitat 76 avait installé ces consignes automatisées sur le parking des résidences, sans en informer la mairie. Je l’ai découvert par hasard », tonne le maire Bastien Coriton.

Une loi pour réguler ce phénomène

L’élu déplore  l’astuce de l’entreprise qui a passé une convention pour une implantation temporaire de quatre mois renouvelables pour  éviter une déclaration d’urbanisme. On ne peut pas laisser ces consignes s’installer sans aucun contrôle »,lance Bastien Coriton qui en a obtenu le retrait début décembre.

Il s’oppose à ces installations qui portent préjudice aux commerces locaux. Certains dispositifs se développent en effet au détriment de points relais en magasins. Mondial Relay a notamment supprimé 3 500 commerces de son réseau en 2025, sur près de 11 000 référencés. Or, des boutiques comptent sur ces compléments de revenus et de précieux nouveaux clients pour survivre. « Pour certains, cela représentait la moitié de leur chiffre d’affaires », détaille Bastien Coriton.

« Les maires n’en veulent pas et les magasins déplorent ces implantations, donc les opérateurs frappent à toutes les portes pour s’implanter », analyse Jérôme Libeskind. « Il faut que les villes puissent coordonner ces installations , défend-il. Aujourd’hui, une dizaine de réseaux coexistent et demain il y en aura encore davantage. » Pour combler ce « vide juridique  », la députée socialiste du Finistère Mélanie Thomin a déposé une proposition de loi  étudiée attentivement  par les services de Bercy.