Il affichait porte close lundi, et il devait en être de même ce mercredi 17 décembre. Les salariés du Louvre, qui demandent de meilleures conditions de travail et d’accueil du public, ont choisi de poursuivre la grève entamée en début de semaine, a appris Libération de source syndicale. Au cours de l’assemblée générale qui s’est déroulée en début de journée, ils ont rejeté la proposition ministérielle et reconduit la grève, ont déclaré la CFDT et la CGT à l’issue de la réunion.

Mais la direction a annoncé peu après une ouverture partielle du musée. «Tous les espaces ne sont pas accessibles mais le musée ouvre et les premiers visiteurs sont en train d’entrer», a indiqué la direction. Peu avant, quelque 300 salariés qui débrayent contre les problèmes de sous-effectifs et la dégradation du bâtiment avaient voté un deuxième jour de grève.

Une représentante de la CFDT, Valérie Baud, a notamment mis en garde contre une ouverture du musée dans ces conditions, près de deux mois après le vol spectaculaire de huit joyaux de la Couronne : «Il ne faudrait pas que la direction du Louvre mette en danger la sûreté de l’établissement», a-t-elle averti.

«Le préavis de grève a été maintenu et la grève votée à l’unanimité», avaut déclaré plus tôt Valérie Baud, représentante CFDT, devant la presse sur le parvis du musée. «Les propositions du ministère» de la Culture ont été «jugées insuffisantes et inacceptables par le personnel», a de son côté commenté la CGT sur son compte Instagram. Dehors, devant la pyramide, un panneau, le même que lundi, indiquait aux nombreux visiteurs un retard dans l’ouverture du musée.

Outre une annulation de la baisse prévue de la dotation de 5,7 millions d’euros pour 2026, le ministère de la Culture proposait d’ouvrir des recrutements dédiés à l’accueil et la surveillance du musée et une revalorisation indemnitaire que les syndicats voudraient pérenne.

Une nouvelle épreuve pour un établissement en crise, alors que la présidente, Laurence des Cars, est réentendue en fin de journée au Sénat sur les failles de sécurité qui touchent l’institution. La veille, l’ancien président du Louvre, Jean-Luc Martinez, s’est également expliqué face aux sénateurs. Lors d’une première AG, lundi matin, quelque 400 agents avaient voté à l’unanimité pour débrayer contre les problèmes de sous-effectif, la dégradation du bâtiment ou la hausse des tarifs pour les non-Européens.

Dans la tourmente depuis le casse du 19 octobre, le musée le plus visité du monde était resté fermé aux visiteurs ce lundi. Parfois venus de loin, ils ont d’abord été prévenus par un panneau annonçant une ouverture «retardée», avant d’être mis au courant par les salariés eux-mêmes sur le parvis de la pyramide de la grève en cours. Les agents présents pour gérer la foule ont enjoint les touristes, plus nombreux en cette période de fin d’année et partagés entre déception et résignation, à revenir mercredi.

A la suite de l’AG qui a décidé la fermeture du musée lundi dernier, une réunion de crise avait eu lieu avec les syndicats au ministère de la Culture, en première ligne dans ce dossier, pour répondre à la colère des agents, également nourrie par la succession d’avanies depuis le cambriolage (fermeture d’une galerie, ouvrages anciens endommagés par une fuite…).

«Il y a une grande exaspération des agents», commentait avait la réunion Christian Galani, délégué CGT, syndicat majoritaire au Louvre.

Fragilisée un peu plus par ce conflit social, la présidente du Louvre est de nouveau attendue, dès 16h30, par la commission de la culture du Sénat, qui cherche à éclairer les failles sécuritaires du musée. Le 22 octobre, juste après le vol des huit joyaux de la Couronne, Laurence des Cars avait déjà reconnu un «échec» devant les sénateurs mais défendu son action, en assurant notamment avoir «accéléré l’élaboration» du schéma directeur de sûreté.

Depuis, des révélations embarrassantes ont toutefois affaibli la dirigeante, arrivée à la tête du musée fin 2021. Elle a notamment dû reconnaître n’avoir eu connaissance d’un audit sécuritaire alarmant de 2019 qu’après le casse. Parallèlement, la Cour des comptes a épinglé les retards persistants de la mise en œuvre du schéma directeur de sûreté. Au Sénat, un responsable de l’enquête administrative lancée après le cambriolage a confié avoir été «très fortement surpris» de constater qu’un musée comme le Louvre «puisse être aussi fragile».

Sous pression, le Louvre a annoncé début novembre des mesures d’urgence, dont l’installation de dispositifs «anti-intrusion». Mais, signe de désaveu, la ministre de la Culture a confié à Philippe Jost, en charge du chantier de Notre-Dame, une mission de deux mois pour réorganiser le musée au côté de la présidente. «Qu’est-ce qu’il qui va faire ? De l’ombre à Madame des Cars ?», s’interrogeait, sceptique, Yvan Navarro, co-secrétaire général de la CGT Culture, et mobilisé lors de la grève du 15 décembre.

Mardi 16 décembre, lors d’une audition au Sénat, l’ancien président du Louvre, Jean-Luc Martinez, destinataire de deux audits sécuritaires alarmants pendant son double mandat (2013-2021), a défendu son action dans ce domaine, lui qui a jusqu’à présent été épargné par la polémique.

«Contrairement à ce que j’ai lu, la culture de la prévention contre le vol n’avait pas disparu», a assuré l’ex-président. Selon lui, une cartographie des risques avait été établie dès 2014, suivi par le lancement d’un «schéma directeur de sûreté». L’ancien dirigeant a également contesté toute déperdition d’information lors du passage de relais fin 2021 à sa successeure, qui assure pourtant n’avoir eu connaissance de l’existence d’audits cruciaux qu’après le cambriolage.