Pour 2026, l’Union Cycliste Internationale a mis en place les équipes de développement, hommes et femmes, pour la catégorie Juniors. La Fédération Française de Cyclisme a emboîté le pas à l’instance internationale en ajoutant un label Fédéral pour les U19 à celui de l’UCI. Valables pour une saison, ces deux labels donnent une place importante au projet sportif et de développement mais aussi au suivi scolaire de l’athlète (voir les détails du label UCI et du label Fédéral). Pour DirectVelo, le président de la FFC Michel Callot rentre dans les détails des deux cahiers des charges.
DirectVelo : Pourquoi la Fédération Française de Cyclisme a-t-elle choisi de créer un label Fédéral U19 au même moment où l’UCI lance son label Juniors ?
Michel Callot : Ce sont deux choses différentes mais complémentaires. C’est une volonté de la commission route de la FFC. La commande “urgente” portait sur le label international pour pouvoir s’adapter à la nouvelle règle UCI et pouvoir faire bénéficier nos structures de cette règle dès les prochaines labellisations UCI pour la saison 2026. Elles vont intervenir début mars. Partant de là, la commission route a considéré que compte tenu des transformations qui sont en cours chez les U19, il ne fallait pas attendre davantage. L’idée était donc de lancer dès cette année un label Fédéral U19, quitte à le faire évoluer un petit peu par la suite en fonction de ce qu’on pourra constater sur le terrain.
Pour le statut Fédéral, il a été décidé d’intégrer les Cadets. Pourquoi ?
La proposition de la commission était d’appeler cela “équipe Fédérale U17-U19”. Nous avons décidé d’enlever le U17 de l’appellation pour ne pas créer de confusion. Dans la pratique, concrètement, on permettra aux équipes labellisées U19 d’intégrer dans leur cahier des charges des U17, mais évidemment pas pour aller sur des compétitions.
Pourquoi ne pourraient-ils pas courir avec les U19 et donc quel est l’intérêt ?
Le but est de commencer à les intégrer dans la structure pour prendre en main le suivi de leur entraînement, pour peut-être leur faire profiter de regroupements et créer une dynamique autour de la formation, en assurant un continuum avec le label Ecole Française de Cyclisme qui concerne les catégories jeunes jusqu’au niveau U15. Et ça, c’était une volonté importante de notre DTN. Il y a de bons réflexes qu’il faut pouvoir inculquer encore un petit peu plus tôt. Il y a aussi une logique de partage d’expérience. Le cahier des charges est vraiment fait pour créer cela. En tout cas, il n’y a aucune volonté de voir un U17 courir avec une équipe U19. Il peut y avoir de manière très exceptionnelle des dérogations sous couvert de la Direction Technique Nationale pour préparer un objectif majeur comme on le fait déjà depuis longtemps. Mais il n’y a pas d’enjeu de créer une généralisation d’activités de compétition des U17 avec les U19.
« EN FAIRE PROFITER NOTRE TISSU FÉDÉRAL »
Est-ce qu’un club ou une entente qui est UCI peut prétendre aussi au label Fédéral ?
Un club ou une entente qui prétendrait à un label Fédéral peut parfaitement prétendre également à un label UCI. La finalité du label UCI, c’est de pouvoir aller s’engager sur le calendrier international. La fédération va transmettre à l’UCI une proposition de calendrier pour la structure sur les courses internationales.
Qui peut prétendre à ce label UCI ?
Le point de départ de la réflexion, c’était de pouvoir réguler l’activité des Teams U19 accolés à des équipes professionnelles, comme Decathlon AG2R La Mondiale et Groupama-FDJ. Quand nous avons commencé à travailler sur ce sujet, on s’est dit qu’il serait dommage de ne réfléchir que par rapport à ces Teams U19 d’équipes professionnelles. Il fallait en faire profiter notre tissu fédéral. Donc, il sera possible pour un club de pouvoir répondre à ce cahier des charges mais aussi pour une entente de clubs. Nous avons aussi laissé la possibilité de le faire pour un comité régional et départemental.
Est-ce qu’un CREF peut y prétendre ?
Il faudrait qu’il devienne support d’une entente puisqu’une entente peut s’adresser à une association ou à n’importe quelle autre structure juridique. Il faudrait qu’il devienne le réceptacle d’une entente. Et dans ce cas-là, pourquoi pas ?
« UNE OBLIGATION DE SUIVRE CE PROJET »
Combien imaginez-vous de label UCI en France et Fédéral ?
C’est très difficile à dire. Cette réglementation UCI est arrivée tardivement, fin septembre. On n’a pas eu beaucoup de temps pour travailler sur cette nouvelle réglementation, et donc pour informer nos clubs et tout le tissu associatif. Je pense que la première année, ce sont surtout des projets déjà construits qui vont pouvoir venir chercher le label. Je dirais donc une dizaine pour l’UCI. Pour le label Fédéral, c’est encore plus difficile à cerner.
Quels sont les retours des Team U19, réserve d’équipes professionnelles, sur ce label ?
On les a beaucoup consultés, et surtout, en obtenant cette réglementation UCI, on leur a enlevé une grosse épine du pied. C’est leur existence qui était menacée par l’ancienne réglementation. Et en raison de l’absence jusque-là de cahier des charges, il y avait un problème de légitimité pour ces équipes-là. Donc, on les a beaucoup associées à la réflexion. Je pense qu’on est assez alignés avec leur vision de ce que pouvait être un cahier des charges de cette nature.
Le projet scolaire est obligatoire…
Il y a en effet une prise en compte du projet global du coureur, aussi bien sportif que scolaire.
Et si un coureur arrête l’école prématurément, qu’est-ce qui se passe pour une équipe en cours d’année ?
Ça ne retire pas le label. En revanche, l’année suivante, quand la structure va redéposer un dossier en présentant le bilan de l’année écoulée, il faudra qu’elle explique ce qui s’est passé avec ce coureur et quelles solutions ont été trouvées. Elle doit dire ce qu’il est devenu. Mais tout le monde n’est pas non plus obligé de faire de longues études, il faut s’adapter à toutes les situations. Le tout, c’est de pouvoir le comprendre et de voir quel accompagnement a été fait sur le plan de la situation sociale du coureur. Il y a un projet qui est individualisé par coureur et une obligation de suivre ce projet, sachant que sur les structures UCI, on oblige à ce qu’il y ait un encadrement professionnel avec au minimum deux personnes qui représentent à minima un temps plein.
« NOUS AVONS ÉTÉ LEADERS SUR LE SUJET »
Il y a des actions obligatoires et les projets de performance et de développement individuels. Qui va évaluer la mise en place des actions ?
C’est une évaluation qui va dépendre de la commission route et de la direction des événements, de la réglementation sportive et de la DTN. Donc nous avons un petit comité d’évaluation qui va être formé et qui permettra d’assurer ce suivi. On ne va pas aller faire des inspections au quotidien dans les structures parce que ça serait impossible. On n’a pas les ressources pour cela mais on va le faire à travers les bilans qui seront transmis par les structures.
Dans les actions obligatoires pour les équipes UCI, il y a le développement des capacités techniques qui sont évoquées. Le chrono, la route et la piste sont évoqués mais pas le cyclocross. Pourquoi, étant donné que c’est une bonne école pour la technique ?
Rien n’empêche que la structure ajoute des choses. Mais nous avons essayé de trouver un dénominateur commun, encore une fois, qui soit suffisamment impactant sur le plan de la formation, mais également qui permette à nos structures de rester dans un cadre concurrentiel au niveau international avec un niveau de contrainte qui reste quand même acceptable. Ces structures U19 internationales vont se trouver en concurrence avec des structures qui fleurissent un peu dans tous les pays. Et, on le sait, dans beaucoup de pays concurrents, le niveau de réglementation est bien moins important et bien moins contraignant. Donc il faut trouver un juste milieu entre ce qu’on peut avoir en termes d’exigence et puis faire en sorte que nos structures ne soient pas complètement dépassées par la concurrence, ce qui aurait pour conséquence que nos coureurs se retrouvent très vite à l’étranger.
La FFC a-t-elle travaillé avec d’autres fédérations ?
Nous avons été leaders sur le sujet. Dans les groupes de travail formés par l’UCI, nous avons eu des structures étrangères U19 qui ont été associées à ces groupes de travail, mais pas de fédération. Maintenant, ça ouvre un deuxième volet que je proposerai prochainement à l’UCI. Nous avons des jeunes étrangers qui sont intégrés à des structures françaises. Il faudrait que celles-ci signent un contrat avec la fédération du coureur qui doit savoir où il se trouve et qu’elle puisse dire qu’elle en a besoin pour une course en équipe nationale. On doit établir une réciprocité entre les fédérations nationales sur ce sujet-là. Si, nous, nous avons un jeune français dans une structure allemande, par exemple, on doit être lié par un contrat pour avoir éventuellement des précisions et savoir comment ça se passe avec le coureur. Pour notre équipe technique, ça permettrait de pouvoir rester en contact avec le coureur.
« ÇA OBLIGE LES GENS À SE PARLER »
Les coureurs d’équipes UCI ne peuvent pas former une équipe mixte au niveau UCI…
Il y a deux choses différentes. Une fois que le coureur sera dans l’effectif d’une structure labellisée, il ne peut courir les courses internationales que dans cette structure ou dans une sélection. Il y a la possibilité de courir des courses internationales en équipe mixte, mais l’UCI a drastiquement réduit la possibilité de former des équipes mixtes. C’est pour ça qu’il était aussi urgent de réglementer ces labels UCI pour nous en France, parce qu’on sait que nous avons beaucoup de participations qui se faisait précédemment dans les courses internationales avec des équipes montées un petit peu au coup par coup. Donc là, ça permet de l’anticiper.
Les équipes UCI vont devoir donner très tôt leur calendrier…
C’est la seule contrainte que nous demande l’UCI, mais elle est importante. Pour les équipes UCI, on aura à la création un contrat qui va être signé entre le coureur ou ses parents, le club auquel il appartient, le comité régional et la fédération. Et dans ce contrat, nous avons précisément tout le calendrier de courses internationales dans lesquelles la structure veut pouvoir utiliser le coureur. L’intérêt par rapport à ce qui existait auparavant, c’est que personne ne pourra être surpris, puisque tout le monde aura été au courant et aura donné son accord pour que le coureur puisse faire ces compétitions avec la structure internationale. Donc ça clarifie le jeu. Rien n’empêche à un club de dire “moi je suis pour six de ces compétitions, mais pas pour la 7e”. C’est la négociation qu’il faudra avoir avec l’équipe internationale. C’est important car ça oblige les gens à se parler, alors qu’avant les clubs nous disaient regretter un manque de communication avec le team.
Est-ce qu’un club qui fait partie d’une entente pourra s’aligner sur une course où il y a aussi l’entente ?
Si l’entente s’aligne au départ d’une course, avec dans sa composition un coureur du club A, le club A ne peut pas s’aligner également. Toujours pour éviter les risques de collusion entre des coureurs de structures différentes.
« LAISSER VIVRE AUSSI LES COUREURS DANS LES CLUBS LOCAUX »
Pour conclure, en quoi ce nouveau statut est-il positif pour toutes les structures Juniors ?
Ce qui est important que nos clubs comprennent, c’est que tout ça part d’une évolution de la réglementation internationale. Nous avons souhaité qu’elle ne serve pas qu’à ces quelques Teams issus des équipes professionnelles. La volonté, c’est de pouvoir faire en sorte que notre tissu de clubs s’empare de ces sujets-là. Ils doivent se structurer par rapport à la catégorie U19, et le faire, soit en club, soit en entente, mais notamment à travers les ententes, pouvoir le faire en se regroupant par rapport à des enjeux internationaux ou nationaux, mais en laissant vivre également dans les structures locales une activité U19.
Il n’y a pas un risque de voir les petits clubs se faire piller ?
Le but est de faire en sorte qu’un coureur U19, quand il n’est pas sur des courses nationales ou internationales, soit dans son club d’origine et dans des courses locales. Le club va organiser une course s’il a deux ou trois U17, ou un ou deux U19. Si on casse cette dynamique-là, ça marchera pendant trois ou quatre ans, le temps que des clubs plus puissants regroupent tout le monde, et après on n’aura plus de renouvellement…. On souhaite pour les U19 une amélioration de la structuration, comme on l’a obtenu avec les labels de division nationale depuis 30 ans maintenant. Nous avons fait monter le niveau de structuration et d’encadrement, et je pense que ça a été très bénéfique, mais en même temps, on voudrait éviter le travers que ça a eu. Ces structurations-là, qui ont progressivement regroupé les coureurs 1ère catégories de l’époque, puis Elite ensuite dans peu de clubs, ont finalement désertifié le reste du territoire. L’idée, c’est d’arriver à prendre le bon côté de la structuration, mais de laisser vivre aussi les coureurs dans les clubs locaux, d’où le système d’entente à privilégier.