En toute discrétion, le 25 novembre dernier, la NASA a franchi une étape décisive pour l’avenir de l’exploration spatiale en finissant l’assemblage du télescope Nancy Grace Roman, aussi abrégé en Roman. C’est à cette date, dans une salle blanche du centre Goddard à Greenbelt, que les deux segments principaux de l’instrument ont été réunis.
Si tout se déroule comme prévu, ce successeur du célèbre Hubble devrait s’envoler dans les cieux à bord du Falcon Heavy de SpaceX dès l’automne 2026, pour une mise en orbite autour du point L2 du système Soleil-Terre. Un calendrier ambitieux, mais très symbolique pour une mission appelée à devenir l’un des piliers de l’astronomie moderne.
« La mise au point finale de Roman marque un tournant décisif pour l’agence », annonce Amit Kshatriya, administrateur associé de la NASA, à Science Alert, saluant au passage le travail d’ingénierie effectué par l’équipe « pièce par pièce, test après test ».
D’extraordinaires capacités
Le Roman est un télescope infrarouge qui est appelé à devenir le fleuron de la flotte de télescopes de la NASA. Il se compose principalement d’une caméra à large champ et d’un coronographe. Son imageur balaiera des portions du ciel 100 fois plus vastes, un champ de vision nettement supérieur à celui de Hubble. Son coronographe, lui, tentera de « bloquer » la lumière ultra-brillante des étoiles pour mieux observer les planètes autour d’elles. « Nous sommes à l’aube de découvertes scientifiques que nous avons encore du mal à imaginer », explique Julie McEnery, l’une des cheffes de projet.
Les prévisions donnent le vertige, même aux plus grands astronomes. En cinq ans, Roman pourrait révéler plus de 100 000 exoplanètes, suivre la vie de centaines de millions d’étoiles et observer des milliards de galaxies. Des dizaines de milliers de supernovas devraient aussi passer devant son objectif. « Nous allons apprendre énormément de choses sur l’Univers, et très vite après le lancement », s’émerveille Julie McEnery. À ce rythme, le télescope produira en cinq ans autant d’images du ciel que Hubble… en trois décennies.
Une aide pour comprendre l’énergie sombre
Une grande partie de la mission sera consacrée à l’énergie sombre, également appelée « énergie noire », cette force encore mal comprise qui pousserait l’Univers à s’étendre toujours plus vite. Pour la cerner, ou du moins tenter, il est nécessaire de scruter le ciel à grande échelle et suivre l’évolution des galaxies sur des milliards d’années. « Il y a quelque chose de fondamental dans l’espace et le temps que nous ne comprenons pas encore et Roman a été construit pour le découvrir », précise Nicky Fox, responsable scientifique à la NASA.
Au cours de son voyage, l’incroyable Roman générera près de 20 pétaoctets de données (20 000 téraoctets), une moisson destinée à nourrir la recherche pour les décennies à venir. Ce que d’autres engins auraient réalisé en plusieurs siècles. Jusqu’à son transfert au Centre spatial Kennedy en Floride, pour préparer son lancement, il continuera d’être soumis à une batterie de tests au Centre Goddard.