« Désensibiliser aux musées. » C’est son expression. Désensibiliser à cette drôle d’allergie que certains nourrissent parfois à l’égard des musées. « Ceux qui se disent : non, ce n’est pas pour moi, je ne vais rien y comprendre. Alors qu’au contraire, on a tous notre place dans les musées, sans exception ! Et c’est ça que je voudrais contribuer à faire comprendre. Le musée, c’est vraiment un lieu où on peut tous passer un bon moment. »

Ce qui vaut bien sûr pour tous les musées dont Juliette Galpin vient de prendre la direction au sein du pôle muséal métropolitain, à savoir le Muséum Aquarium à Nancy, le Féru des Sciences à Jarville, mais aussi Château de Montaigu qui lui est associé et même La Réserve des collections des musées de Nancy et du Grand Nancy. Une constellation qui avait au moins deux gros atouts pour retenir l’intérêt de cette jeune femme de 37 ans qui nous vient du Muséum d’histoire naturelle de Troyes.

« J’ai toujours été intéressée par les questions de science et d’environnement, et les animaux ont été mes premières amours », précise-t-elle. « Or le Muséum Aquarium de Nancy, comme son nom l’indique, a cette singularité d’associer à la fois les collections naturalisées et les collections vivantes. »

Les expos décalées

En outre, à titre symbolique, son arrivée au poste nancéien permet de rappeler « que la science est ouverte aux femmes, un point assez essentiel aussi dans mon parcours. »

Son parcours, justement, est ponctué d’études en histoire contemporaine, puis d’un master passé au Muséum National, suivi du concours de conservateur du patrimoine, dans la spécialité « patrimoine scientifique, technique et naturel ».

En prenant la suite de Lucile Guittienne (partie à Bordeaux l’été dernier), Juliette Galpin s’inscrit dans un paysage muséal très contrasté (on dépassera les 160 000 visiteurs au Muséum cette année, on se réjouit d’atteindre les 18 000 au Féru des Sciences). Mais il y a des constantes que la nouvelle venue, encore en phase d’observation, a l’intention de reprendre à son compte.

On y cultivera donc le point de vue décalé des expositions dont Muséum et Féru ont le secret. « C’est leur force, cette touche un peu différente, ce pas de côté », assure même la nouvelle directrice. « Ce pour quoi le Muséum est reconnu, y compris par les pros. » Chemical Kitchen, nouvelle expo au Féru des Sciences, en est d’ailleurs l’illustration parfaite.

N’est pas expert qui veut

Sous son égide, le Féru, menacé de fermeture du temps où il était Musée du Fer, devrait confirmer sa résurrection et poursuivre son évolution pas à pas. « Quant au Muséum, on essayera peut-être de développer un peu plus le lien avec nos collections vivantes dans nos expos. » Tout en faisant de la science le moteur central de la démarche. Tâche devenue parfois délicate en cette époque où le moindre influenceur sur TikTok s’autoproclame spécialiste avec l’assurance d’un prix Nobel de chimie…

« Effectivement, le rapport à la science et à l’esprit critique est devenu compliqué en ce moment dans nos sociétés », déplore Juliette Galpin. « Et ceci rend notre mission plus cruciale encore. Charge à nous de rappeler que la science se base sur des faits. Il n’est pas question d’y croire, il est question de savoir. Alors certes, un fait scientifique peut être remis en question, mais tout le monde ne peut pas s’improviser expert pour le faire ! »

Et même les petits poissons clowns dans l’Aquarium peuvent aujourd’hui contribuer à faire échec aux trumpistes, platistes et autres complotistes. « Dans un monde où le scepticisme est devenu une posture, le positionnement fondamentalement scientifique est plus que jamais sujet majeur des musées de science aujourd’hui. »