Après la fermeture du robinet américain décidée par Donald Trump, les Européens se sont engagés à fournir, au cours des deux prochaines années, l’essentiel du soutien financier et militaire à l’Ukraine. Mais les Vingt-Sept peinent à s’accorder sur la manière de l’assurer. C’est dans ce cadre que les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne se réunissent ce jeudi pour un sommet à Bruxelles, où des décisions cruciales et difficiles sont notamment attendues sur l’utilisation des avoirs russes gelés pour aider Kiev.

Si les Européens n’arrivent pas à s’entendre sur le recours à ces avoirs russes, « la capacité d’action de l’Union européenne sera gravement compromise pour des années, et même plus longtemps », a mis en garde le chancelier allemand Friedrich Merz en début de semaine. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky fera le déplacement ce jeudi à Bruxelles pour convaincre ses alliés européens de l’importance de cette décision.

Faute d’accord, l’Ukraine risque de se retrouver à court d’argent dès le premier trimestre 2026. Or, près de quatre ans après l’offensive à grande échelle de Moscou, Volodymyr Zelensky a estimé mercredi que la Russie se préparait à mener une nouvelle « année de guerre », malgré l’accélération des pourparlers sur la base du plan de Donald Trump.

Une rencontre entre émissaires russes et américains est prévue ce week-end à Miami, en Floride, selon un responsable de la Maison Blanche. Mais aucun cessez-le-feu ne se profile.

Aboutir à une « paix juste et durable » pour l’Ukraine, pas si simple

A Bruxelles, deux options sont officiellement sur la table des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE. L’UE pourrait emprunter, mais plusieurs pays y sont très réticents, dont l’Allemagne. Et au moins un Etat membre, la Hongrie, s’y oppose totalement. Or, une telle décision requiert l’unanimité.

Reste alors un recours aux avoirs gelés russes, dont l’essentiel, 210 milliards d’euros, se trouve en Belgique, sous le contrôle de la société Euroclear, institution financière basée à Bruxelles. Ces avoirs permettraient de financer un « prêt de réparation » en faveur de Kiev de 90 milliards d’euros, voire davantage si nécessaire.

Avoirs russes gelés ou emprunt européen : Bruxelles présente deux plans pour financer 137 milliards d’euros de soutien à l’Ukraine

Une très large majorité des pays de l’UE y sont favorables. Et pour cause : cette solution ne coûte rien au contribuable, elle envoie un signal fort sur l’engagement des Européens aux côtés de l’Ukraine et un message clair d’indépendance au moment où ces avoirs sont aussi un enjeu des pourparlers de paix conduits par Washington.

Les avoirs russes « peuvent changer la donne pour l’Europe et pour l’Ukraine », a souligné la présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen devant le Parlement européen à Strasbourg. C’est « le moment de l’indépendance de l’Europe », a-t-elle martelé.

Cet étau trumpo-poutinien qui se referme sur l’Europe

Encore faut-il convaincre la Belgique, qui détient la clé du coffre. Son Premier ministre Bart De Wever ne cesse de le rappeler : pas question que son pays soit le seul à payer les pots cassés en cas de représailles juridiques et financières de Moscou. Malgré la pression, la Belgique n’avait toujours pas donné son feu vert mercredi.

Bart De Wever redoute de subir des représailles russes jusqu’à « l’éternité » et réclame une protection solide des intérêts de son pays, y compris en Russie. Une demande jugée disproportionnée par ses partenaires, prêts à apporter leur garantie à un prêt à l’Ukraine, mais pas à signer un « chèque en blanc », a expliqué un des négociateurs européens.

Pourquoi l’Europe risque de lâcher l’Ukraine

De complexes mécanismes de protection sont en discussion et le seront jusqu’au début du sommet, pour favoriser un accord des dirigeants de l’UE. En tout état de cause, « il y aura un soutien financier pour l’Ukraine », assure-t-on de source diplomatique.

La décision de recourir aux avoirs russes gelés peut être prise à la majorité qualifiée des Etats membres, donc théoriquement sans la Belgique, mais surtout sans la Hongrie, pays européen le plus proche du Kremlin, totalement opposée à cette option. « Ce sont des décisions complexes qui ne peuvent pas être forcées », a cependant averti mercredi la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni.

Faute d’accord, une solution de transition pourrait être mise en place, car « l’Ukraine ne peut pas attendre », indique un diplomate à Bruxelles. Mais personne ne voit encore très bien laquelle, observe un autre. Les discussions risquent donc de durer. Le président du Conseil européen Antonio Costa, qui dirigera les débats, est prêt à les prolonger aussi longtemps que nécessaire pour éviter un échec du sommet. Une hypothèse que personne ne se résout à envisager après les critiques de Donald Trump sur la « faiblesse » des dirigeants européens.