

Poudres iridescentes, sprays scintillants pour le visage ou le corps, maquillages festifs… Qui n’a jamais été tenté ?
Pourtant, une étude récente menée par l’Association de veille et d’information civique sur les enjeux des nanosciences et des nanotechnologies (Avicenn) révèle la présence de nanoparticules de dioxyde de titane dans une dizaine de ces produits analysés. Et pas n’importe quelles particules, mais des particules si petites qu’on ne les voit pas, et qui n’étaient pas clairement indiquées sur l’étiquette.
TiO₂ : qu’est ce que c’est exactement ?
Le dioxyde de titane n’est pas un nouveau venu. Sous le nom chimique TiO₂ (CI 77891), il sert de pigment blanc ou de filtre UV dans de très nombreux produits, des peintures industrielles aux crèmes solaires en passant par les cosmétiques.
En Europe, le TiO₂ est autorisé dans les cosmétiques à certaines conditions, notamment pour sa forme nano, mais avec des restrictions strictes si le produit peut être inhalé (comme les sprays ou les poudres) car les nanoparticules pourraient pénétrer les poumons.
Ces nanoparticules sont tellement petites qu’elles échappent souvent à l’œil nu, et à l’étiquetage clair. Toutes les formulations analysées par Avicenn contenaient des nano-TiO₂ en quantités et tailles plus importantes que dans d’autres produits, sans mention explicite sur l’emballage.
Santé : inhalation, peau… où se situe le vrai danger ? Sur la peau : globalement sans risque, mais…
D’un point de vue dermatologique, les données scientifiques disponibles à ce jour ne mettent pas en évidence de risque avéré lié à l’application cutanée de nanoparticules de dioxyde de titane, lorsqu’elles sont utilisées dans des conditions normales.
Le Comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (SCCS) estime en effet que ces nanoparticules, largement employées notamment dans les écrans solaires, restent majoritairement à la surface de la peau et ne traversent pas la barrière cutanée lorsqu’elle est intacte.
Sur une peau saine, ni blessée ni fortement irritée, le TiO₂ sous forme nano ne semble pas capable de pénétrer en profondeur dans l’organisme. Les études montrent qu’il se loge essentiellement dans la couche cornée, l’enveloppe protectrice faite de cellules mortes qui joue précisément le rôle de rempart.
Par l’inhalation : la vraie zone d’attention
C’est ici que ça se complique. L’inhalation est considérée comme la voie d’exposition la plus préoccupante pour ces nanoparticules. Quand on respire de poudres très fines ou des sprays, ces particules peuvent atteindre les alvéoles pulmonaires.
Des études toxicologiques suggèrent que, une fois là-dedans, ces particules peuvent provoquer stress oxydatif, inflammation, voire des dommages cellulaires ou génotoxiques, c’est-à-dire altérer l’ADN.
Ces risques justifient que l’Union européenne ait interdit l’usage de formes nanométriques de TiO₂ dans les sprays et aérosols cosmétiques précisément à cause de l’exposition pulmonaire possible.
Réglementation : entre sécurité et incertitudes
On pourrait penser que tout cela est déjà bien cadré. Et dans une certaine mesure, oui. Le règlement cosmétique européen 1223/2009 autorise le TiO₂, impose des limites, exige la déclaration des nanos en INCI et interdit certaines formes susceptibles d’être inhalées.
Mais dans les faits, c’est la mise en application qui pose question. Les analyses d’Avicenn montrent que certains produits « esthétiques » contiennent ces nanoparticules sans l’indiquer clairement. Et si certains fabricants respectent la réglementation comme un vieux manuel de recettes, d’autres semblent jouer à cache-cache avec les définitions chimiques.
Par ailleurs, l’Europe est en pleine réévaluation scientifique. La Commission européenne a demandé une nouvelle opinion sur la sécurité du TiO₂ dans les cosmétiques, tant pour les formes nano que non nano, signe que la science continue de débattre et d’affiner nos connaissances.
Consommateurs : faut-il jeter tous ses produits pailletés à la poubelle ?
Faut-il pour autant vider sa trousse de maquillage et faire une croix définitive sur les produits pailletés ? Pas forcément. À la lumière des connaissances actuelles, tout dépend de l’usage et de la forme du produit.
- Sur une peau saine, l’utilisation habituelle de cosmétiques contenant du dioxyde de titane n’est pas considérée comme présentant un danger immédiat. Les autorités sanitaires européennes estiment que, dans ces conditions, les nanoparticules restent en surface et ne pénètrent pas dans l’organisme.
- La prudence est en revanche de mise avec les poudres libres et les sprays scintillants, qui peuvent être inhalés lors de l’application. Cette voie d’exposition est jugée plus préoccupante, en particulier chez les personnes souffrant de troubles respiratoires, d’asthme ou chez les enfants.
- Pour les consommateurs les plus attentifs, privilégier des produits sans nanoparticules ou dont la composition est clairement détaillée sur la liste des ingrédients (INCI), avec la mention [nano], constitue une démarche raisonnable pour limiter l’exposition.
Alors non, inutile de céder à la panique. Une vigilance éclairée suffit. continuer à utiliser des cosmétiques en connaissance de cause, en prêtant attention à leur formulation et à leur mode d’application, sans renoncer pour autant au plaisir de se faire beau… ou belle.
À SAVOIR
Le dioxyde de titane n’est plus autorisé dans l’alimentation en Europe. Connu sous le nom d’additif E171, il a été interdit dans les denrées alimentaires à partir de 2022, après une évaluation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui n’a pas pu exclure un risque de génotoxicité. Les produits concernés ont depuis été retirés du marché ou reformulés.


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