PASCAL GUYOT / AFP
« Le désespéré », ici exposé en 2008 au musée Fabre de Montpellier.
EN BREF • Jordan Bardella critique Emmanuel Macron pour la vente du tableau « Le Désespéré » de Courbet au Qatar.
• Problème : la vente a eu lieu avant le mandat de Macron, l’actuel président de la République n’y est pour rien.
• Le tableau a été vendu à un acheteur supposé américain, mais a fini au Qatar.
Il y a les amateurs d’art et puis les amateurs tout court. À quelle catégorie appartient Jordan Bardella ? Ce jeudi 18 décembre, le président du Rassemblement national s’est ému d’une enquête du 20h de France Télévisions sur la vente au Qatar d’un tableau de Gustave Courbet. Accusant Emmanuel Macron de « dilapider » le patrimoine national… alors que la transaction s’est faite trois ans avant son arrivée à l’Élysée.
« Le chef-d’œuvre “Le Désespéré” de Courbet n’est plus Français. Il a été vendu au Qatar dans la plus grande discrétion », indique France Télévision dans sa publication sur X. Le coupable est tout trouvé pour Jordan Bardella. « Le règne d’Emmanuel Macron aura été celui de la dilapidation, dans le dos des Français. L’État aurait dû se porter acquéreur d’un tableau aussi emblématique : mais comment défendre notre patrimoine quand, à la tête du pays, le président lui-même nie l’existence d’une culture française ? », s’insurge l’eurodéputé sur X, en relayant l’enquête de France Télévisions.
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Mais l’a-t-il seulement écoutée ? Car à aucun moment dans cette vidéo de 4 minutes 49 secondes, le président de la République n’est mentionné. Pire pour le président du parti d’extrême droite, une enquête du Monde parue fin octobre révèle que le tableau a changé de main… en 2014. Au moment de cette vente, le président de la République ne s’appelle donc pas Emmanuel Macron mais François Hollande. Cette année-là, deux ministres de la Culture se succèdent : Aurélie Filippetti (2012-2014) et Fleur Pellerin (2014-2016). Quant à Emmanuel Macron, il a quitté en août le Secrétaire général adjoint du cabinet du président de la République pour le ministère de l’Économie. La suite est connue.
Passer pour un peintre
Sur X, l’eurodéputée Horizons Nathalie Loiseau épingle donc son homologue du RN. « La vente a eu lieu en 2014, Jordan Bardella. 2014. Pour ce qui est de la culture, commencez par cultiver les faits, ce sera déjà pas mal », cingle-t-elle.
Quid du « Désespéré » ? Le contexte de son acquisition par le Qatar reste un mystère. Auprès de France Télévisions et du Monde, Christine Martin-Veillet, amie de la propriétaire originelle, originaire de Franche-Comté comme Gustave Courbet, raconte qu’au moment de vendre le tableau, cette dernière a spécifiquement refusé des acheteurs qataris, agacée par le pays qui multiplie à l’époque les acquisitions d’œuvre pour ses musées. « Elle a toujours cru qu’elle vendait à une Américaine, c’était inscrit dans l’acte notarié, et il était prévu que le tableau reste en France », explique Christine Martin-Veillet.
Contactée par France TV, la BNP chargée de trouver un acquéreur assure avoir respecté la volonté de sa cliente mais refuse de dévoiler la nationalité de l’acheteur. Impossible donc de savoir comment « Le Désespéré » a fini entre les mains du Qatar.
Selon Le Monde, ce n’est qu’à l’été 2024 que le ministère de la Culture apprend le devenir de ce tableau, par Cheikha Al-Mayassa, sœur de l’émir et présidente de l’institution en charge des musées. Doha sollicite alors les autorisations indispensables pour le faire voyager. Paris négocie et obtient une garde partagée avec des rotations sur 5 ans. Quid d’un rachat pour conserver le tableau dans le patrimoine français ? Le ministère de la Culture n’en a pas les moyens.
Comme le soulignent nos confrères, l’État pourrait alors faire pression en classant le tableau comme trésor national, ce qui faciliterait la collecte de la somme nécessaire. Mais Doha est un des partenaires économiques de la France et la rue de Valois ne prend pas le risque de froisser les Qataris. « L’accord de prêt exceptionnel de Qatar Museums permet au public d’avoir le privilège de voir ce tableau dans un musée français, au lieu qu’il reste entreposé sans être exposé et visible », évacue le ministère auprès de France TV.