Ce 17 décembre, Florian Kobryn a annoncé via une vidéo sur les réseaux sociaux avoir reçu une plainte déposée par les Écologistes après son ralliement à la France insoumise. Un post du candidat LFI aux municipales au timing pas anodin, puisque c’était le jour du lancement de la campagne de Jeanne Barseghian. Le collectif des élu(e)s écologistes et communiste à la CEA a décidé de réagir. Analyse d’un épisode politique.
Les divisions à gauche ont de très (très) beaux jours devant elles. À 12h58 ce 17 décembre, Florian Kobryn a publié une vidéo sur ses réseaux sociaux dans laquelle il annonce tout sourire et jovial que « les Écolos (sic) ont porté plainte contre moi pour diffamation 4 jours après mon ralliement à la France insoumise ».
Il en profite pour revenir sur son départ du groupe de gauche à la CEA [un choix aboutissant à sa disparition, ndlr] et dénonce « une procédure-bâillon comme toutes celles qui ont été déposées contre Rima Hassan, contre Sophie Binet, contre Pierre-Emmanuel Barré ». Il déplore des méthodes qui « affaiblissent la gauche dans son ensemble, notamment face aux forces réactionnaires ». Sauf que, à y regarder de plus près, les choses ne sont pas aussi simples.
Car en premier lieu, Florian Kobryn extrapole quelque peu sur les premières secondes de la vidéo : ce ne sont pas les Écologistes qui ont porté plainte contre lui, mais une élue de son groupe de la CEA. Ainsi, cette affaire vient davantage de ce qu’il s’est passé au sein du groupe d’opposition de gauche, plutôt que d’un combat pour les élections municipales, comme le candidat de la France insoumise semble vouloir le laisser penser.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
C’est quoi cette affaire ?
Pour rappel, en avril dernier, Florian Kobryn a quitté avec perte et fracas le groupe de gauche à la CEA, actant sa disparition. Selon lui, cette plainte a été déposée à cause de son ralliement à la France insoumise. Dans sa vidéo, il explique que c’était pour « l’empêcher de porter un projet de gauche radicale ». Contacté pour plus de précisions, il affirme que « c’est une procédure-bâillon engagée contre un élu qui fait part de désaccords politiques, et de surcroît, qui est intervenue parce que j’ai annoncé rejoindre LFI ».
Du côté du groupe Alsace Écologiste Citoyenne et Solidaire, le son de cloche est tout autre. Ayant réagi par communiqué de presse dans la fin de l’après-midi du 17 décembre, le groupe affirme que « la plainte ne concerne en aucun cas le départ politique de Florian Kobryn, qui a mis fin de facto à l’unique groupe de gauche de la CEA, mais concerne des propos qu’il a publiés sur les réseaux sociaux le 4 avril 2025, pouvant relever de qualification pénale ».
Les faits reprochés sont précis, documentés et relèvent exclusivement de la justice.
Le groupe Alsace Écologiste Citoyenne et Solidaire à la CEA
Alors que s’est-il passé ce 4 avril ? Dans son post sur les réseaux, Florian Kobryn dénonce son exclusion du groupe et « des insultes répétées telles que : ‘Florian ferme juste ta gueule’, ‘triste personnage’, ‘pathétique’, sans parler des nombreux mensonges répandus directement dans la presse ». Par ailleurs, il accuse Ludivine Quintallet, la présidente de groupe, de « comportement manipulateur, de mises en porte-à-faux, d’injonctions contradictoires, d’absence de coordination et d’orientation ». Des « techniques de management toxique », selon l’élu.
Des propos que le groupe Alsace Écologiste Citoyenne et Solidaire qualifie de « calomnieux » et de « graves », ajoutant : « Nous appelons désormais Florian Kobryn, mis en examen, à cesser toute communication publique sur une affaire en cours et à ne pas ajouter de nouvelles diffamations aux faits dont il devra répondre devant la justice. » Ambiance.
© Coraline Lafon / Pokaa
Pourquoi ça sort maintenant ?
Selon le groupe Alsace Écologiste Citoyenne et Solidaire, la plainte a été déposée avant l’été. Alors pourquoi ressort-elle maintenant, en pleine campagne des municipales ? Attention, la réponse peut se trouver dans la question. Pour le groupe en tous les cas, le constat est glacial : « Le choix de Florian Kobryn de médiatiser cette affaire en se présentant une nouvelle fois comme une victime relève de sa seule responsabilité. »
Quant à l’entourage de Jeanne Barseghian, le timing ne laisse pas de place au doute : « Le fait de la sortir en plein pendant la conférence de presse de Jeanne Barseghian est forcément calculé. » Car ce 17 décembre se tenait le lancement de la campagne de la maire de Strasbourg ; et si à 12h58, la conférence de presse était terminée depuis une heure, le timing interroge. Stratégiquement, cela occupe le terrain et parasite le relais presse du début de campagne de la maire, qui est devant le candidat insoumis dans les sondages.
Nous souhaitons une gauche de rupture forte et rassemblée, mais nous ne pouvons que constater et déplorer les attaques que nous subissons par celles et ceux qui prétendent rechercher l’union.
Florian Kobryn, candidat LFI aux municipales à Strasbourg
Pour Florian Kobryn en revanche, rien de tout ça : « J’ai reçu la confirmation définitive de la plainte le 28 novembre. Et j’avais besoin du conseil d’un avocat d’où l’annonce ce jour. »
Quant au choix de parler publiquement d’une décision de justice, le candidat se justifie : « Ça me parait important d’en informer les électeurs et les électrices : nous ne sommes pas des facteurs de désunion ; nous souhaitons une gauche de rupture forte et rassemblée, mais nous ne pouvons que constater et déplorer les attaques que nous subissons par celles et ceux qui prétendent rechercher l’union. » Chacun(e) sera libre d’en juger.
Tempête dans un verre d’eau ?
Cette mini-affaire ne sera sans doute pas la dernière de cette campagne des municipales qui va être éreintante. Par cette « municipalisation » d’une affaire relevant pourtant de la CEA, Florian Kobryn se pose comme premier adversaire frontal des Écologistes. On peut interroger le bien-fondé de la chose, mais on est dans une campagne électorale et, apparemment, tous les coups sont permis.
Du côté des Écologistes, ces derniers ne sont pas en reste au niveau des critiques de LFI, puisqu’ils ne se privent pas d’attaquer leurs mesures, notamment sur le marché de Noël, ou leur combat contre la ZFE. Dans les deux cas, et d’une manière différente, chacun tente de se positionner aux yeux des électeurs/rices comme la vraie force de gauche.
1. © Nicolas Kaspar / Pokaa ; 2. © Anthony Jilli / Pokaa
Attention cependant à ne pas pousser ces combats trop loin non plus. Car aujourd’hui, il paraît difficile d’envisager qu’une de ces deux forces politiques puisse gagner seule au second tour en la présence de l’autre. Ainsi, quelle légitimité dans les discours et dans l’action aux yeux des électeurs/rices de gauche pour une alliance éventuelle, alors qu’elles auront passé du temps à se taper dessus ? En attendant, les autres forces politiques doivent s’en frotter les mains.
Une question qu’il faudra garder en tête, entre le 15 et le 22 mars, car il paraît hautement improbable que les conflits s’arrêtent là.