Par
Emilie Salabelle
Publié le
29 avr. 2025 à 6h02
Avec ses dix vélos au garage, Jean-François Ernotte, habitant des Yvelines, en a connu des péripéties en biclou. Au compteur : trois vélos volés. Et c’est sans compter ceux de ses enfants – au moins un de fauché par tête – ou de ses frères raconte le cinquantenaire, bobine ronde et lisse derrière ses lunettes. « C’est énervant, vu leur coût. En tout, j’en ai eu pour plus de 20 000 euros de vélos volés », décrit, plutôt zen, ce converti aux deux-roues pour tous ses déplacements, depuis que les enfants sont devenus grands. Dans cet écosystème impitoyable, il a accueilli avec intérêt l’arrivée de l’identification obligatoire des cycles en 2001. « La dissuasion, c’est ce qui marche le mieux. Ça fait plus reculer les voleurs qu’un antivol », estime-t-il.
Il est justement venu profiter d’un des ateliers de marquages organisé par l’Association de promotion et d’identification des cycles et de la mobilité active (Apic) au salon Vélo in Paris du Parc Floral, dans le cadre du festival Mai à vélo 2025. Son vélo « très léger », qu’il utilise pour ses déplacements à Paris, est le dernier de sa flotte à ne pas encore arborer son numéro unique d’identification. Mais alors, comment ça marche, et est-ce vraiment efficace ?
Le vol, premier frein à l’achat d’un vélo
Commençons par le constat, plus qu’éloquent, amorce Joëlle Lafitte, déléguée générale de l’Apic. « Le premier frein à l’usage du vélo, c’est le vol. Certains préfèrent ne pas s’y mettre pour ne pas risquer ça. Une personne qui a été victime de vol ne rachètera pas un vélo d’aussi bonne qualité ».
Pour lutter contre le phénomène, un décret rend l’identification du vélo obligatoire depuis le 1er janvier 2001 pour tout achat dans un point de vente professionnel, qu’il s’agisse d’un modèle neuf ou d’occasion. Cela consiste à marquer sur chaque vélo un numéro unique, relié à un compte personnel. « On a un code qui correspond à un vélo, et à un propriétaire », expose la représentante de l’Apic. L’opération coûte entre 10 et 30 euros, selon la méthode de marquage utilisée (sticker haute résistance, gravure, encapsulage avec soudure chimique).
Ce numéro et les données personnelles qui y sont rattachées (nom, adresse mail, numéro de téléphone) composent le Fichier national unique de cycles identifiés (Fnuci), auquel ont accès les forces de l’ordre, les agents municipaux et les gardiens de fourrières. Une fois marqué et identifié, le vélo a un statut « en service » que le propriétaire peut actualiser sur son compte en le déclarant « en vente », ou « volé, perdu ».
Des vélos plus souvent restitués après un vol
Le dispositif est-il efficace ? Depuis la mise en place du Fnusi, le taux de restitution de vélos signalés volés est de 12 %. Il était de 3 % auparavant. « Et ce sont des chiffres a minima, car ils ne comptent pas les vélos retrouvés avant même qu’ils aient été déclarés volés », précise la déléguée générale de l’Apic.
Le marquage aurait également un effet dissuasif sur les voleurs, selon l’Apic. « Je me sens plus protégé des intentions de vols avec cette étiquette, abonde Jean-François Ernotte. Les voleurs savent ce que c’est, pour eux, c’est casse-pieds à retirer, il faut sortir la meuleuse ».
« C’est comme une plaque d’immatriculation, ce n’est pas inviolable, le numéro peut être retiré par une personne mal intentionnée », nuance toutefois Joëlle Lafitte.
Un dispositif encore trop peu connu
Reste désormais à étendre le dispositif au plus grand nombre de vélos. Si le pli a largement été pris chez les vélocistes, magasins spécialisés et grandes surfaces dédiées au sport, la mise en place de l’identification est plus nébuleuse sur les grandes surfaces alimentaires. « On a une moindre visibilité sur ces enseignes », glisse Joëlle Lafitte.
Mais le principal angle mort se situe sur les sites de revente en ligne entre particuliers, non soumis à l’obligation. « On sensibilise les usagers sur le fait qu’un vélo neuf qui n’a pas été identifié est un vélo suspect. Demander s’il a bien un numéro est le réflexe à avoir quand on se renseigne sur une annonce », martèle la représentante de l’Apic. D’où l’importance, pour les propriétaires de longue date, de faire marquer leur vieux vélo relégué au fond de la cave.
Neuf opérateurs sont habilités à identifier les cycles en France. Durant tout le festival Mai à Vélo, l’Apic organise des ateliers de marquage dans toute la région, accessibles sur cette carte interactive.
D’après les données de l’Apic, la très grande majorité du parc de vélos français est encore non marquée. « À l’heure actuelle, moins de 10 millions de vélos sont enregistrés comme actifs dans la base du Fnuci. On estime le parc de vélos à 40 millions d’exemplaires », illustre Joëlle Lafitte. Il va falloir pédaler pour combler les trous.
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