Victimes de DMLA atrophique, des seniors
testent un implant sous-rétinien couplé à des lunettes de réalité
augmentée. Publiée en octobre 2025, l’étude interroge : jusqu’où
cette prothèse de vision peut-elle changer leur quotidien ?
Perdre la vision centrale, ne plus pouvoir lire ni reconnaître
les visages, tout en gardant une vision périphérique floue mais
présente : c’est le quotidien de nombreux seniors atteints de
dégénérescence maculaire liée à l’âge. Dans sa forme atrophique,
cette maladie détruit lentement la macula et laisse les patients
sans véritable solution thérapeutique, avec pour seules armes des
aides visuelles et une rééducation laborieuse.
Une équipe internationale vient pourtant de franchir un cap : un
implant sous-rétinien associé à des lunettes de
réalité augmentée a permis à des personnes atteintes de
DMLA atrophique de retrouver une vision centrale
fonctionnelle. Publiée le 20 octobre 2025 dans le New England
Journal of Medicine, l’étude montre que plus de 80 % des
patients opérés se remettent à lire lettres, chiffres et mots.
Reste à comprendre comment ce dispositif parvient à ranimer une
rétine détruite.
Un implant sous-rétinien DMLA pour une vision centrale
fonctionnelle
Responsable de la première cause de cécité après 60 ans,
la dégénérescence maculaire liée à l’âge touche près de 1,5
million de personnes en France et plus de 5 millions dans
le monde. La forme dite sèche ou atrophique, qui représente environ
80 % des cas, se traduit par la disparition progressive des
photorécepteurs, ces cellules qui captent la lumière et
transmettent l’image au cerveau. Lorsqu’elle est avancée, aucun
médicament ne permet aujourd’hui d’arrêter cette perte de vision
centrale.
Le système Prima, imaginé à Stanford puis
développé avec l’Institut de la Vision, contourne ces cellules
détruites. Une micropuce photovoltaïque de 2 mm sur 2 mm, épaisse
de 30 microns et dotée de 378 électrodes, est glissée sous la
rétine. Des lunettes spéciales munies d’une mini-caméra filment la
scène, un boîtier agrandit l’image et la renvoie sous forme de
rayons infrarouges sur l’implant, qui stimule les neurones
rétiniens restants.
Voir à nouveau : comment l’implant PRIMA transforme les
signaux lumineux
Concrètement, tout commence par une chirurgie d’environ deux
heures, durant laquelle la puce est placée sous la macula. Ensuite,
le patient porte des lunettes de réalité augmentée : la caméra
filme l’environnement, le micro-ordinateur agrandit jusqu’à douze
fois, renforce contraste et luminosité, puis projette l’image sous
forme de faisceaux infrarouges sur l’implant, qui convertit la
lumière en impulsions électriques.
Le résultat n’est pas une vue normale, mais une image en noir et
blanc, d’une résolution plus faible que celle d’une rétine saine,
équivalente à environ un vingtième de vision centrale. Après trois
à six mois de rééducation, nombre de patients apprennent à décoder
ces signaux pour lire de gros caractères, reconnaître un visage
familier ou distinguer plus facilement les obstacles, tout en
conservant leur vision périphérique naturelle pour se repérer dans
l’espace.
Une avancée clinique majeure,
mais encore en cours d’évaluation
Dans l’essai clinique européen PRIMAvera, 38 personnes atteintes
de DMLA atrophique avancée, âgées en moyenne de 79 ans et suivies
dans 17 centres, ont reçu l’implant PRIMA. Un an plus tard, 32
participants avaient terminé l’étude : 81 % lisaient au moins dix
lettres de plus sur les tableaux d’acuité visuelle, 78 % au moins
quinze, et le meilleur résultat correspondait à un gain de 1,18
logMAR, soit 59 lettres supplémentaires.
Les chercheurs ont recensé 26 événements indésirables graves
chez 19 patients, surtout des hypertensions oculaires et quelques
décollements ou hémorragies de rétine, survenus dans les deux
premiers mois ; 95 % ont été rapidement résolus, spontanément ou
après traitement. « Le bénéfice s’est révélé bien supérieur aux
effets indésirables », explique José-Alain Sahel, dans des
propos rapportés par Inserm. « Jusque-là, d’autres types
d’implants sous-rétiniens avaient été développés, apportant un
bénéfice bien moindre. C’est la première fois qu’un système permet
à des patients ayant perdu la vision centrale de se remettre à lire
des mots, voire des phrases, tout en préservant la vision
périphérique », poursuit-il.