Le studio californien Naughty Dog, auréolé du succès planétaire de The Last of Us, semble retomber dans ses plus vieux travers, puisque les équipes sont de nouveau sous pression pour boucler le futur Intergalactic : the Heretic Prophet.
Inutile de se voiler la face. Malgré le carton critique et public de la série HBO et des remasters en pagaille, l’avenir immédiat de Naughty Dog ne passera pas par une suite pour Ellie et Joel. Le développement de The Last of Us Part 3 est pour l’instant relégué au second plan, laissant toute la place à une nouvelle licence qui excite autant qu’elle inquiète. On parle de Intergalactic : The Heretic Prophet, la première incursion de Naughty Dog dans la science-fiction pure, un projet qui s’annonce comme une rupture totale avec le passé post-apocalyptique du studio.
Pourtant, derrière la bande-annonce rutilante d’Intergalactic et les promesses de Neil Druckmann sur un management plus humain, la réalité du terrain est bien moins reluisante. Des rapports récents indiquent que le studio a de nouveau activé le mode « survie », imposant des périodes de travail intensives aux équipes pour finaliser une démo interne cruciale. Les belles paroles sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée ont été aspirées par un trou noir, laissant les employés face à une pression (re)devenue la norme chez le Méchant Chien.

The Last of Usé jusqu’à la corde
Selon une enquête menée par Bloomberg, la direction aurait exigé des heures supplémentaires obligatoires pour boucler une « vertical slice » (une démo de gameplay) destinée aux pontes de Sony. Cette pression ne daterait pas d’hier, mais elle se serait intensifiée ces derniers mois, créant un climat de tension palpable au sein des équipes de Santa Monica.
Les développeurs et techniciens devraient enchaîner les journées de 12 heures de travail, sept jours par semaine, dormir sur place, et sacrifier toute forme de vie privée et familiale pour répondre aux exigences de la direction.
Plusieurs développeurs, s’exprimant sous couvert d’anonymat, décrivent un management calamiteux qui privilégie la perfection visuelle d’un produit même pas fini, au détriment de la santé mentale des troupes. On est loin de la révolution managériale promise après le développement chaotique de The Last of Us Part II.

Aux antipodes du statut des développeurs Un budget Intergalactic
Cette obsession de la perfection a un coût, et il n’est pas seulement humain, mais aussi astronomique d’un point de vue financier. Rappelons que The Last of Us Part II avait coûté la bagatelle de 220 millions de dollars pour six années de labeur intense, un record qui semble aujourd’hui dérisoire face aux ambitions de Intergalactic.
Ce nouveau titre de SF pourrait bien devenir le jeu le plus coûteux de l’histoire de Naughty Dog, dépassant largement les budgets précédents. Forcément, avec de tels enjeux financiers, la pression exercée par Sony sur Neil Druckmann ruisselle directement sur les artistes et les programmeurs en bas de l’échelle. Le paradoxe Naughty Dog est ici à son paroxysme. Le studio veut créer des mondes toujours plus organiques et immersifs, mais il le fait avec une structure organisationnelle qui parait dater de l’ère PS2.

Image d’un employé après 8 semaines de boulot non-stop
Les rapports évoquent un manque de clarté dans la direction créative, obligeant les équipes à refaire des pans entiers du jeu suite à des changements de cap soudains. C’est ce cycle de « faire et défaire » qui alimente le crunch de manière systémique, transformant chaque étape de production en une course contre-la-montre qui vide les travailleurs de leur énergie. La culture de l’excellence, si chère au studio, est en train de se transformer en une culture de l’épuisement pur et simple.
Difficile de ne pas voir dans ce retour au crunch un aveu d’échec pour la direction du studio, qui jurait avoir appris de ses erreurs passées. Si Intergalactic doit être le porte-étendard technique de la PlayStation 5 (voire de la future PS6 ?), le prix à payer est déjà disproportionné pour ceux qui tiennent les manettes du développement.
On se retrouve face à un serpent qui se mord la queue. Plus le jeu est ambitieux, plus il demande de ressources, et plus le management apparaît incapable de canaliser cette énergie sans briser ses employés. Une telle façon de travailler est-elle encore viable dans une industrie qui tente désespérément de se soigner ?
Intergalactic : the Heretic Prophet est attendu pour 2027, au mieux. D’ici là, espérons que le studio trouvera un moyen de ne pas laisser ses employés sur le carreau.