Par
Glenn Gillet
Publié le
20 déc. 2025 à 10h00
Les commerçants spécialisés dans le textile en conviennent, la grande époque du passage du Caire est terminée. Construit en 1798 dans ce qui est aujourd’hui le 2e arrondissement, il est le plus ancien mais aussi le plus long (370 mètres) passage couvert de Paris. Au XXe siècle, il était le cœur battant du quartier du Sentier, connu pour ses nombreux commerces de tissus et de prêt-à-porter. Jusqu’à il y a encore quelques années, le passage accueillait de nombreux grossistes non seulement de vêtements mais aussi d’accessoires et de mannequins, ainsi qu’un gand nombre de retoucheries.
Mais « le Covid et le confinement, ça a tout ruiné, les clients ne pouvaient plus venir, notamment les étrangers », confie Hanane, 40 ans, dont la famille est implantée dans le Sentier et spécialisée dans le textile depuis plusieurs générations, et qui gère l’établissement H.B. Création avec son mari.
« Avant, il y avait tellement de monde qu’on avait du mal à passer dans les allées »
Aujourd’hui, marcher dans ce passage plutôt étroit (moins de trois mètres de large) permet de constater que de nombreuses boutiques autrefois occupées sont aujourd’hui vides. Les acheteurs sont rares et les personnes que l’on voit arpenter les allées sont souvent des Parisiens au pas pressé pour qui cette voie n’est qu’une allée piétonne comme une autre.
Au cours des dernières années, de nombreux commerces ont quitté le passage du Caire, le plus vieux et le plus long passage couvert de Paris #paris #histoire #patrimoine #commerce #fashion
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Des groupes de touristes curieux viennent aussi l’arpenter, attirés par son histoire : dénommé après l’entrée victorieuse de Napoléon au Caire, dans le cadre de la campagne d’Égypte, le passage témoigne visuellement du fort engouement de la société française pour la civilisation égyptienne au début du XIXe siècle, appelé « égyptomanie ». On retrouve notamment une façade ornée de motifs et de sculptures évoquant l’imaginaire de l’Égypte au niveau de l’entrée qui fait face à la rue d’Aboukir.
Ces ornements sont les traces d’une histoire restée glorieuses jusqu’à assez récemment. « Avant, tous les magasins étaient ouverts, il y avait tellement de monde qu’on avait du mal à passer dans les allées », se rappelle Kenan, 54 ans, qui a commencé à fréquenter le passage du Caire pour le travail « vers 2008-2009 ».

L’entrée du passage du Caire, ornée de motifs d’inspiration égyptienne, du côté de la place du Caire et de la rue d’Aboukir. (©GG/actu Paris)
Il a fini par y installer son activité, Le Bien retoucherie, il y a un peu plus de deux ans, afin de se rapprocher du cœur du secteur du textile dans la capitale. Il espérait à l’époque que la mauvaise passe du passage prendrait fin rapidement. Mais la morosité a perduré. « Aujourd’hui, il y a un peu de travail, mais c’est beaucoup trop calme dans l’ensemble », regrette Kenan, qui se laisse encore trois ans maximum pour voir si l’activité peut repartir dans le secteur, sans quoi il partira.
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« Tout ce qu’on veut, c’est que ça bouge »
Hanane et son mari ont espoir. Ils ont fait le choix de venir s’installer dans ce passage emblématique de leur secteur d’activité car ils ont la conviction qu’on aura toujours besoin de travailleurs du textile dans Paris, même si la demande a évolué et vient désormais plutôt de clients haut de gamme, de créateurs de mode et d’acteurs de la haute couture dans la capitale. D’autant que le passage, inscrits aux monuments historiques à l’instar des autres passages couverts parisiens, a connu une grosse opération de rénovation en 2017 et qu’il est aujourd’hui en bon état et bien entretenu.
Les deux commerçants acceptent aussi l’idée que le passage du Caire ne soit plus entièrement dévolu au textile. Dans les années 2000, la mairie de Paris a préparé le déménagement d’un certain nombre de grossistes du secteur du textile depuis le Sentier vers le CIFA, un nouveau centre de vente situé à Aubervilliers. En parallèle, elle a lancé le projet « Silicon Sentier » visant à favoriser le développement des start-ups et entreprises du numérique.
Au cours des dernières années, de jeunes sociétés de ce secteur se sont installées dans certaines unités commerciales du passage du Caire, suivies par d’autres entreprises variées : cabinets d’architectes, organismes de formation, hôtellerie… « Nous, ça fait six mois qu’on a repris cette boutique et on voit que ça change, que ça commence à revivre », confie Hanane, « on n’a aucun problème à ce que ça change ici, à ce qu’il y ait de la diversité. Tout ce qu’on veut, c’est que ça bouge ».
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