Il y a des victoires qui donnent l’illusion de la puissance. La France en a connu une cette semaine : elle a réussi à reporter la signature de l’accord commercial qui devait être signé ce week-end entre l’Europe et cinq pays d’Amérique latine – le fameux Mercosur.

Les agriculteurs applaudissent et le gouvernement se targue d’avoir défendu les intérêts du pays. Mais à long terme, cette séquence risque de le desservir : l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal sont excédés de voir Paris torpiller ainsi une négociation débutée il y a vingt-cinq ans, au nom d’intérêts catégoriels restreints. Ils sont aussi passablement énervés de voir Emmanuel Macron exercer une telle pression sur l’Europe, alors que la France n’a jamais été aussi faible.

Notre président parle comme Charles de Gaulle, sans en avoir le crédit politique et économique. Incapable de travailler suffisamment pour assurer son avenir, notre pays est en train de sombrer dans un abîme budgétaire comme il n’en avait jamais connu. La dette publique vient d’atteindre le niveau extravagant de 117 % du PIB en cette fin d’année, un record historique si l’on exclut les périodes de guerre et de pandémie. Le plus inquiétant est qu’en dépit de ce laxisme budgétaire les parlementaires n’ont même pas réussi à adopter un budget !

Députés et sénateurs se sont séparés vendredi 19 décembre sur un constat de désaccord, entre ceux qui prônent une pression fiscale maximale et ceux qui la refusent. Ceux qui espéraient que 2026 apporte un peu d’air frais après cette interminable séquence budgétaire en sont donc pour leurs frais.

Ce mois de janvier sera pollué par les débats fiscaux, l’instabilité politique et la crise agricole, comme l’ont été ces dernières semaines. Car la suspension du Mercosur n’a en aucun cas réglé la crise paysanne : pour la première fois cette année, la balance commerciale agricole sera déficitaire. Les agriculteurs ont beau jeu de dénoncer le Mercosur et le commerce déloyal pour expliquer leurs difficultés : comment se fait-il que l’Espagne et l’Italie, soumises aux mêmes contraintes que nous, s’en sortent mieux et nous taillent des croupières ?

Plutôt que s’interroger sur son manque de compétitivité, Paris cherche des coupables extérieurs. C’est politiquement payant mais économiquement désastreux.

Au fond, tout se passe comme si la France croyait pouvoir renvoyer sans cesse sur le reste du monde la responsabilité de ses difficultés. Il faut dire que, chez nous, tout est fait pour laisser croire que l’on peut échapper aux contraintes extérieures. La guerre russo-ukrainienne fait grimper les prix de l’énergie ? Hop, un bouclier à plusieurs milliards d’euros vient écrêter le problème. Notre commerce extérieur flanche, notre compétitivité recule ? Le bouclier de l’euro nous immunise d’une flambée des taux d’intérêt.

Il serait temps de s’adapter une bonne fois pour toutes aux réalités du monde plutôt qu’espérer voir le monde s’adapter à notre réalité. Et se souvenir que les grands pays le sont pour l’avoir voulu, les petits pour s’y être résignés.