Par
Fabien Massin
Publié le
21 déc. 2025 à 9h02
C’est une des particularités et incontestablement une des richesses de la capitale normande : la présence importante d’antiquaires — mais aussi de brocanteurs — à Rouen (Seine-Maritime), dont bon nombre sont rassemblés dans le quartier dit des antiquaires, justement, avec la rue Damiette pour épicentre. Mais quelle est l’origine de cette tradition ? Pourquoi et comment perdure-t-elle aujourd’hui, à l’heure des achats faciles et pratiques sur internet ? C’est la question pas si bête de la semaine de 76actu.
Un quartier préservé, un terreau culturel favorable
« Il n’y a pas de certitudes à cette présence mais des pistes, indique Aurélie Daniel, animatrice culturelle indépendante, créatrice des Balades rouennaises. Notons déjà qu’au XIXe siècle, des brocanteurs s’installent rue Eau-de-Robec. Ils pratiquaient alors leur activité à même la rue, sur des planches. Puis peu à peu on voit ce quartier se gentrifier : il est préservé des bombardements de la Guerre et à partir des années 1970 il est piétonnisé.
Il faut prendre en compte par ailleurs l’histoire de Rouen, notamment l’importance de sa faïence, l’apparition de l’impressionnisme et de l’école de Rouen. Tout un terreau propice à la présence d’antiquaires dans un quartier historique, qui remplacent peu à peu les brocanteurs, sauf ceux de la place Saint-Marc qui eux sont restés.
Aurélie Daniel
Animatrice culturelle indépendante
Christine Métais, troisième génération d’antiquaires, tient depuis 2006 la dernière galerie d’antiquaires de la place Barthélémy. Elle avance également quelques pistes. « Je ne sais pas de quand date exactement cette concentration mais quand mon grand-père a ouvert la galerie en 1925 on parlait déjà de quartier des antiquaires. Un quartier qui a toujours été commerçant, avec la présence d’artisans, et qui a gardé son écrin et ses rues restées médiévales. Les conditions sont réunies pour accueillir une activité comme celle des antiquaires. »
Il y a également des éléments d’explication plus récents, comme la présence de résidence secondaires, qui apportent une clientèle supplémentaire. Par rapport à d’autres villes Rouen, profite de la proximité de Paris. L’existence d’un tissu important de musées à côté est également un atout important. Il y a une clientèle qui par exemple, sortant du musée des beaux-arts, veut ramener chez elle un tableau proche de ce qu’elle a vu au musée.
Christine Métais
Galeriste
Christine Métais souligne également un autre fait qui conforte la vivacité du quartier, la présence, outre de nombreux galeristes, de professionnels qui font vivre les œuvres d’art : ébéniste, restaurateur/encadreur de tableaux, graveur, etc.

Christine Métais, galeriste place Barthélémy. (©FM/76actu)
Et ce tissu s’est aujourd’hui constitué en association, la RAR (réunion des antiquaires rouennais), qui porte un événement majeur annuel depuis cinq ans, le RAR week-end. Son président est Guillaume Fouquet, marchand d’art depuis 25 ans à Rouen (installé depuis 10 ans rue Martainville), dans le domaine des arts décoratifs du XXe siècle et la céramique.
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Un événement phare et fédérateur
« La question des origines du quartier est une question qui est régulièrement posée, mais étonnamment il n’y jamais de réponse claire, constate-t-il. On peut évoquer le contexte régional, la Normandie est une région riche en patrimoine, et Rouen est historiquement une ville portuaire. Mais dans beaucoup de villes comparables à Rouen, il y avait de nombreux antiquaires : la véritable énigme est de savoir pourquoi elles les ont perdus et pas Rouen. »
L’arrivée du web a évidemment fait évoluer nos métiers mais à Rouen la proposition boutiquière est restée. Personnellement j’y reste très attachée, une vitrine, c’est ça qui fait rêver. Et on a assisté à l’arrivée d’une génération d’antiquaires qui partage cette vision, il y a eu une forme de régénérescence. Avec également une tendance à une belle diversification, on trouve ici un bouquiniste, un spécialiste de l’école de Rouen, du design du XXe siècle, des choses qui s’apparentent plus à la brocante, etc.
Guillaume Fouquet
Galeriste, président de la RAR
Il y a donc également la renaissance d’une association, autour d’un événement phare, une journée portes ouvertes au cours de laquelle les visiteurs sont invités à déambuler d’une galerie à l’autre en suivant un circuit. 25 professionnels ont participé au dernier RAR week-end, chacun à sa manière, un tel réorganisant sa vitrine, un autre présentant une perle rare ou une exposition temporaire, etc.
« Cela amène incontestablement du monde lors des vernissages, se réjouit Guillaume Fouquet. C’est un challenge de motiver les troupes, mais c’est aussi également extrêmement fédérateur. À nous de faire rayonner notre métier !«

Guillaume Fouquet, rue Martainville, président de la RAR (réunion des antiquaires rouennais). (©FM/76actu)Suivez l’actualité de Rouen sur notre chaîne WhatsApp et sur notre compte TikTok
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