« Cette mobilisation est inhabituelle. Je n’ai jamais vu ça depuis mon internat en 1997 », insiste Radu Lupescu, médecin anesthésiste et président de la conférence médicale d’établissement (CME) de la clinique Rhéna à Strasbourg. Elle sera inédite par sa durée – dix jours- mais aussi par la forte participation attendue. Six syndicats de médecins représentatifs des généralistes et spécialistes libéraux, les Jeunes médecins, les syndicats des internes et remplaçants mais aussi des collectifs médicaux appellent à cesser d’exercer du 5 au 15 janvier.

Malgré le retrait de certains points jugés les plus irritants du projet, le budget de la sécurité sociale 2026 adopté le mardi 16 décembre continuent d’alarmer les praticiens, en matière de revalorisation des actes ou encore de délivrance des arrêts de travail. « C’est une attaque en règle contre tous les secteurs de la médecine et de la chirurgie libérales. L’esprit du texte persiste : les médecins libéraux sont accusés d’être des fraudeurs, des truands, des rentiers », dénonce Vincent Meteyer, président de la CME Diaconat-Roosevelt à Mulhouse.

Dans un courrier envoyé à l’Agence régionale de santé (ARS), les présidents des CME d’Alsace contestent un budget qui, selon eux, « avance sans aucune concertation préalable avec les acteurs concernés », « impose de nouvelles charges financières et administratives aux cabinets et aux établissements » et « donne à l’Assurance maladie un pouvoir de décision tarifaire unilatéral » en cas d’échec des négociations conventionnelles.

Fermeture des blocs opératoires à partir du 9 janvier

Faute de reprise du dialogue, l’ensemble des cliniques privées alsaciennes – Diaconat-Fonderie, Diaconat Roosevelt, clinique de l’Orangerie, Rhéna et Saint-François – fermeront leurs urgences pendant toute la durée du mouvement. « Les patients seront renvoyés vers les hôpitaux publics », précise Radu Lupescu, rappelant que « la clinique Rhéna assure, à elle seule, 39 % de l’activité chirurgicale de l’Eurométropole de Strasbourg ».

Les médecins grévistes assureront uniquement « la continuité des soins, les situations d’urgence, les prises en charge impossibles à différer et les missions strictement indispensables à la sécurité des personnes ». À partir du 9 janvier, les blocs opératoires fermeront à leur tour.

Pour alerter sur la situation, une majorité des praticiens exerçant en clinique ont déjà suspendu l’alimentation du dossier médical partagé (MDP), qu’ils considèrent comme « un danger pour le secret médical », ainsi que la télétransmission des feuilles de soins.

Dans les cabinets libéraux, la mobilisation s’organise également. De nombreux spécialistes – cardiologues, angiologues, gynécologues, anesthésistes, radiologues, etc.- s’apprêtent à rejoindre le mouvement. À Colmar, Waël Younes, médecin vasculaire, fermera son cabinet avec ses deux confrères. Selon lui, « 95 % des cinquante angiologues alsaciens » seront en grève. Depuis le 1er décembre, son cabinet a déjà entamé une grève du téléphone, cessant de répondre aux appels hors situations urgentes.

Du côté des médecins généralistes, le mouvement sera bien suivi mais à des degrés différents. « Nous sommes partagés entre la nécessité de manifester notre colère et notre volonté de ne pas pénaliser les patients. Certains fermeront, mais pas sur toute la durée. L’impact sur la population sera toutefois relativement important », reconnaît François-Xavier Schelcher, président de MG68.

Pour garantir la permanence des soins, une organisation renforcée est prévue pendant le mouvement, avec notamment davantage de médecins libéraux mobilisés à la régulation du 15.