Publié le
21 déc. 2025 à 15h06
Le « Portrait de Madame de La Laurencie et de ses enfants » est à découvrir à Toulouse. L’arrivée dans la Ville rose de cette toile remarquable, réalisée en 1904 et prêtée par le Musée d’Orsay, offre l’occasion idéale de revisiter l’art de Maurice Denis (1970-1943) et de rappeler le rôle central qu’il joua au sein du mouvement nabi.
Un portrait familial
L’histoire commence lorsque Jean de La Laurencie, inspecteur des Eaux et Forêts, demande au peintre un portrait familial qui dépasse le simple exercice de ressemblance. Denis accepte, multiplie les esquisses, observe la mère et ses fillettes dans leur propriété de Valence. Mais, plutôt que de restituer une scène domestique, il imagine une rencontre intime entre la famille et les figures de la Vierge et de l’Enfant Jésus.
En modernisant la tradition de la sainte conversation, héritée de la Renaissance italienne, il fait cohabiter le sacré et le quotidien avec une douceur qui lui est propre. Ici, le surnaturel ne s’impose pas : il se dépose, comme une lumière supplémentaire.
La composition s’organise autour d’un cercle silencieux qui converge vers l’Enfant, véritable foyer du tableau. Les regards des fillettes, la main posée de la mère, le geste protecteur de la Vierge : tout semble aspiré vers ce point d’équilibre. Denis utilise les halos comme des prolongements des corps, des respirations plus que des signes dogmatiques. Le paysage, à l’arrière-plan, mêle ocres doux, roses filtrés, verts veloutés.
Ces aplats, typiques de son vocabulaire, installent une atmosphère suspendue, presque musicale. Rien de solennel : une paix pudique où chaque forme participe à l’unité générale.
« De l’art sacré vers l’art moderne »
Cette manière d’unir la vie ordinaire et la spiritualité irrigue toute l’œuvre de Denis. Né en 1870, il se forme au Louvre puis à l’Académie Julian, où il rencontre Sérusier, Bonnard, Vuillard : les futurs Nabis. « Denis en devient la grande voix théorique », explique Jacques Rivet, critique d’art toulousain et ex-commissaire priseur chez Artcurial. Les nubis – le terme signifie prophètes en hébreu – veulent s’opposer aux Impressionnistes.
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Maurice Denis pose les bases du mouvement avec cette phrase devenue manifeste : « Un tableau est avant tout une surface plane recouverte de couleurs » . Profondément croyant, il renouvelle la peinture religieuse en l’ancrant dans une sensibilité moderne, loin du théâtre académique. Il va créer avec George Desvallières les Ateliers d’art sacré. Ils veulent sortir de l’art saint-sulpicien et s’ouvrir à l’art moderne.
Le tableau visible jusqu’au 4 janvier apparaît ainsi comme un condensé de ce que Maurice Denis – dont les Toulousains peuvent également aller admirer la sublime Nativité aux Augustins, maîtrise à la perfection : unir la grâce à la simplicité, inscrire le divin dans l’intime et faire dialoguer héritage ancien et modernité picturale. Une œuvre lumineuse, dont le pouvoir d’apaisement, plus d’un siècle après sa création, demeure intact.
Exposition jusqu’au 4 janvier 2026, du mardi au dimanche, de 10h à 18h à la Fondation Bemberg (Hôtel d’Assézat, Place d’Assézat)
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