Ce matin de fin novembre, la patrouille de policiers municipaux à scooter fait du porte-à-porte entre les rues de Rome et Paradis. L’approche des fêtes s’accompagne d’une autre tradition saisonnière : le vol à main armée. Alors Redha et son équipe de la brigade des « scooters centre » arpentent les commerces pour donner leurs coordonnées et discuter avec les gérants, et surtout les vigiles.
Car au-delà du risque de braquage, fêtes ou pas fêtes, les vols et les agressions font partie du quotidien. « Une fois, ils sont même allés se servir dans la réserve, glisse une vendeuse dans une boutique de vêtements de la rue de Rome, mais il faut faire attention, car ils ont parfois des couteaux. »
À l’angle Paradis/Venture, la boutique Swatch a essuyé sept tentatives de vol en dix jours. Quelques mois plus tôt, l’horloger avait aussi été victime d’un vol par effraction – c’est d’ailleurs une patrouille des scooters centre qui avait retrouvé l’auteur. Un peu plus loin, un pharmacien aux portes de Noailles rapporte les cas incessants de fausses ordonnances. « Pour des boîtes d’anticancéreux à plusieurs milliers d’euros, du Lyrica, des compléments nutritionnels oraux, des patchs de nicotine… ça n’arrête pas. Mais on ne va pas retenir la personne… », relève le pharmacien.
« Appelez-nous, on pourra suivre la personne sur les caméras, le temps qu’on arrive », explique le policier municipal. Au bar PMU voisin, ce sont les paiements sans contact de jeux à gratter avec des cartes bancaires volées qui ponctuent le quotidien. Mais en fin de matinée, un appel radio met brutalement fin à l’ilotage.
Coup de chaud à Noailles
À quelques centaines de mètres, place des Capucins, un équipage en difficulté demande du renfort. Aussitôt, tout ce que l’hypercentre compte d’agents municipaux converge. Guère plus d’une minute après l’alerte, le marché des Capucins est saturé de policiers municipaux, tandis que la tension retombe.
Un vendeur de cigarettes à la sauvette vient d’agresser un forain, dont les collègues sont eux aussi montés au créneau. Redha a un atout de poids pour désamorcer la situation et obtenir des renseignements : il parle arabe. « En deux secondes, il m’a raconté ce qu’il s’était passé et m’a donné une description de l’agresseur. Si je lui demande en français, personne n’aura rien vu… », glisse le chef de la section, un ancien chasseur alpin, passé, comme beaucoup de ses collègues, par les rangs de la police nationale.
Mais comme tous les policiers amenés à travailler dans le centre-ville de Marseille, ces agents savent qu’à Noailles, une simple broutille peut soudain dégénérer en bataille rangée si elle n’est pas désamorcée à temps.
50 à 80 interpellations chaque mois
Juchés sur des scooters de 300 cm³, les « Cobra » – leur indicatif radio – se déploient dans les moindres ruelles du centre-ville et rendent les refus d’obtempérer moins aisés. C’était l’idée, en créant la brigade il y a un an et demi. « On interpelle et on met à disposition de la police nationale entre 50 à 80 personnes chaque mois », explique Redha.
Quelques heures plus tôt, à l’aube, près de la porte d’Aix, un chauffeur VTC a d’ailleurs failli les percuter sur un contrôle avant d’être interpellé, sans permis, sous stups et en possession de 20 grammes de cocaïne et deux couteaux. Et le week-end, à l’heure où les « Cobra » démarrent, les missions débutent souvent par des rixes de sortie de boîte. Lundi dernier, ce sont eux qui ont interpellé les agresseurs de la footballeuse mexicaine Mercedes Roa, prise à partie à l’aube avec des amis.
« C’est le lot du centre », sourit Redha, tandis qu’un homme entièrement nu est signalé rue Saint-Ferréol. Mais alors que les « Cobra » rejoignent vététistes et même la brigade maritime sur les lieux du signalement, l’exhibitionniste s’est évaporé. « Il nous a demandé de lui taper dans la main pour se rhabiller, se marre une passante en guise d’explication. Alors on lui a tapé dans la main. »