Par

Julian Doubax

Publié le

22 déc. 2025 à 18h36

Les élections municipales de 2026 approchent à grands pas et l’heure des comptes a sonné pour les maires sortants. Le vendredi 19 décembre 2025, au lendemain de l’annonce de l’union entre Thomas Cazenave et Nathalie Delattre, Pierre Hurmic a répondu aux questions d’actu Bordeaux. L’édile bordelais est revenu sur les grandes lignes de son mandat. Logement, transports, climat, sécurité… L’écologiste a défendu plusieurs décisions prises depuis sa prise de fonction en 2020 et a donné quelques éléments de réponse sur sa possible candidature.

Actu : Le logement est toujours une véritable problématique à Bordeaux. L’encadrement des loyers ne semble pas suffisant…

Pierre Hurmic : Dès le début du mandat, on a bénéficié de la possibilité d’expérimenter cet encadrement des loyers. Contrairement aux réticences qui avaient été exprimées, ça fonctionne bien. Les retours et études que l’on a montrent qu’on obtient un maintien des loyers et surtout sans impact négatif sur le volume des offres. Ce qui était vraiment la crainte initiale. Il n’y a pas cet effet de limitation des offres. C’est pour ça qu’on prolongera, si l’État nous en donne la possibilité, l’expérimentation de l’encadrement des loyers.

Et quelles sont vos solutions en matière d’accès au logement ?

P.H. : D’abord, il y a un problème d’accès au logement à Bordeaux comme dans toutes les grandes métropoles. La tension sur le logement est une réalité locale et elle repose sur le renchérissement des prix. On y répond en développant le logement social pour assurer davantage de mixité sociale. Cela permet aux ménages modestes et aux classes moyennes de rester à Bordeaux s’ils le souhaitent. Nous avons hérité d’une ville qui était très en retard en termes de logements sociaux. On était à 18% de logements sociaux en 2020. Et on est passé à 20,5% en seulement 5 ans. On va également poursuivre l’encadrement des meubles touristiques, type Airbnb. On est passé de 120 à 90 jours, en doublant la compensation dans l’hypercentre. On essaie d’avoir une politique, que certains qualifieront peut-être de trop interventionniste, mais en tout cas qui nous permet de loger le plus possible de Bordelais dans la ville.

Outre le logement, il y a aussi la question des transports en commun. Le réseau de tramway est sursaturé, les alternatives vélo ou piétonne ne sont pas possibles pour tout le monde. Comment pouvez-vous améliorer la situation ?

P.H. : La mise en route des nouvelles lignes de tramway entraîne un certain nombre de difficultés. Comme à chaque lancement de nouveautés. Mais moi ce que je retiens plutôt dans les événements récents, c’est que notre réseau de transports en commun bordelais a été classé comme étant le réseau le plus attractif et le plus dynamique. On a augmenté la fréquentation de nos transports collectifs en 2025 de 9%, c’est énorme. Tout le monde se rend compte que la circulation des vélos a explosé dans Bordeaux ces dernières années avec un certain nombre de difficultés. Mon rêve, ce n’est pas de mettre tout le monde à vélo. Je considère que Bordeaux, c’est d’abord une ville marchable et on fait beaucoup d’efforts pour adapter la ville à la marche. Le centre-ville de Bordeaux est de plus en plus piéton, ce qui est bon pour le commerce local.

Ce dont je me félicite, c’est que Bordeaux a été longtemps considérée comme étant une ville difficile d’accès. En 2019, l’aire métropolitaine bordelaise était la troisième la plus embouteillée de France. On est passé à la sixième place cette année. On peut me reprocher d’avoir limité la circulation automobile à Bordeaux, je l’assume parfaitement, voire je le revendique. J’ai limité la pollution de 35% et j’ai permis aux mobilités douces aussi de circuler plus facilement et d’apaiser la ville.

Ces changements sont pourtant dans le viseur des commerçants du centre-ville. Comment répondez-vous à leurs inquiétudes ?

P.H. : J’entends très souvent ce genre de plaintes de la part des commerçants qui connaissent une période difficile. Nous avons monté, avec la Chambre de commerce, un office du commerce pour travailler ensemble sur les problématiques. C’est quelque chose de tout à fait nouveau. On a constaté qu’au mois de juillet dernier, le centre-ville de Bordeaux connaissait une fréquentation de plus de 22% par rapport à la moyenne des trois dernières années. Les commerçants souffrent surtout de la concurrence du commerce en ligne. Ce n’est pas du tout lié à la fréquentation automobile du centre-ville. On constate qu’à Bordeaux, on a un taux de vacances commerciales qui est bien plus faible que dans la plupart des villes comparables. Il est de 7,6% et inférieur à Toulouse, Nice, Toulon, Rennes ou encore Montpellier. Il y a une espèce de Bordeaux-Bashing qui se fait souvent orchestrer par l’opposition municipale, mais qui ne correspond pas à la réalité du terrain.

Sur l’écologie, vous avez décrété l’urgence climatique dès votre arrivée à la mairie en 2020 mais à l’aube de 2026, certains opposants estiment votre politique trop timide et insuffisante…

P.H. : Ça m’amuse que ce soit d’anciens ministres macronistes qui me reprochent cela, alors que notre pays a été condamné à deux reprises pour inaction climatique. Je veux bien prendre toutes les critiques mais je trouve ça un petit peu paradoxal venant d’eux. Les émissions carbone de la collectivité ont baissé de 24% entre 2019 et 2025, la consommation d’eau potable a baissé de 25%, nous sommes l’une des villes les plus dynamiques en matière de promotion de l’énergie solaire… Donc les critiques sur ce terrain me paraissent tout à fait déconnectées de la réalité.

On a planté plus de 70 000 arbres pendant ce mandat. On a fait des efforts énormes en cinq ans pour adapter notre ville aux étés caniculaires. Tout ça participe aux réponses à apporter à l’urgence climatique, à ce double défi qui consiste à la fois à s’adapter au dérèglement climatique et à le freiner. Pour nous, c’était tout sauf un slogan. C’était un véritable défi. Je crois que ce défi, nous y avons répondu.

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Par contre, en matière de sécurité, vous vous êtes aligné sur des demandes de la droite et du centre avec le déploiement de la vidéosurveillance et l’armement d’une partie de la police municipale…

P.H. : Je suis critiqué par la droite là-dessus. Ils essaient de décliner localement un certain nombre de slogans nationaux, sur le fait que des villes écologistes ou de gauche seraient en panne sur le terrain de la sécurité. Mais ils n’ont pas de chance : ils sont tombés sur l’un des maires les plus engagés. Quand je suis arrivé à la tête de Bordeaux, j’ai trouvé une police municipale en totale déshérence.
J’ai augmenté son budget de fonctionnement le passant de 8,6 millions d’euros à 13,6 millions d’euros en 2026. J’ai également augmenté de moitié le nombre de policiers municipaux sur le terrain. J’ai totalement réorganisé ma police municipale en créant une brigade spéciale qui est armée et j’ai aussi doublé le nombre de caméras de vidéosurveillance. J’en ai beaucoup fait. Puis, la sécurité, c’est aussi une compétence de l’État. Je veux bien que les macronistes me reprochent des choses. Je les renvoie alors devant les obligations régaliennes de l’État.

Votre mandat touche à sa fin. En quasiment six années à la tête de Bordeaux, quelle est votre plus grande satisfaction ?

P.H. : D’avoir réussi à hisser Bordeaux au sommet de certaines reconnaissances internationales et que Bordeaux ait été la capitale du forum mondial de l’économie sociale et solidaire.
Ce dont je suis fier aussi, ce sont les cours buissonnières. On transforme progressivement toutes les cours de nos écoles maternelles et élémentaires pour les végétaliser. Quand je vois des enseignants qui me remontent leur satisfaction et des parents d’élèves qui me disent que les cours végétalisées apaisent les enfants, améliorent ainsi leur attention en classe, je suis plutôt satisfait du résultat. Les rues aux enfants sont de grands succès aussi. Je n’ai pas de sujet totem, mais globalement, je considère qu’en cinq ans, la ville a beaucoup changé. On a pris une bifurcation et j’espère qu’elle se prolongera et que cette ville ne se macronisera pas. Je souhaite que l’échec flagrant du macronisme ne trouve pas un plan B dans la gouvernance de grandes villes comme à Bordeaux.

Et votre plus grande déception ?

P.H. : Je souhaiterais que ça aille encore plus vite. Je me définis souvent comme étant le plus impatient des Bordelais. Je pense que la ville doit se réinventer. L’amorçage est fait et j’espère que dans les années qui viennent, nous poursuivrons sur cette voie.

Le 17 décembre, vous y étiez à la Grande Poste devant vos nombreux soutiens, mais vous n’êtes pas encore officiellement candidat. Désormais, Thomas Cazenave et Nathalie Delattre ont décidé de s’allier. Vous attendiez cette union pour enfin rentrer dans la course aux municipales ?

P.H. : Mon calendrier n’est pas du tout tributaire de celui de mes adversaires. Tout le monde sait à Bordeaux depuis longtemps que le mariage entre les deux anciens ministres macronistes va se faire. Ils ont orchestré cette mise en scène du mariage, alors que pour moi, ça a toujours été un non-événement. Les sondages, c’était pour faire diversion et pour savoir lequel des deux pourrait prendre la tête de l’alliance. Je considère que je suis maire de Bordeaux et que je dois être maire de Bordeaux le plus longtemps possible. Cela étant, il y a une campagne électorale et j’ai conscience du fait qu’il va falloir que j’indique très rapidement, au début de l’année, si je suis ou non candidat pour un prochain mandat.

Mais votre choix est fait ?

P.H. : Oui, ma décision est déjà prise.

Il faut donc attendre le début d’année 2026 pour la connaître…

P.H. : Je pense que ça se voit un peu en m’écoutant mais chaque chose en son temps. La réunion à la Grande Poste était importante pour voir que beaucoup de Bordelais sont déjà très mobilisés pour cette échéance électorale. Ils se reconnaissent dans ce que Bordeaux est en train de devenir. Un Bordeaux fidèle à lui-même, fidèle à son patrimoine remarquable, à son histoire. C’était important de constater que beaucoup de Bordelais sont très décidés et déterminés à protéger notre ville de ce qui est arrivé à notre pays, c’est-à-dire la dégradation. Ils sont très déterminés pour poursuivre la métamorphose engagée et confirmer le tournant historique qui a été pris en 2020.

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