Par
Thomas Bernard
Publié le
22 déc. 2025 à 19h34
Sur scène, chanteurs et acteurs émerveillent les spectateurs assis sur les fauteuils. Derrière le rideau rouge, d’autres artistes sont en action dans les coulisses. Costumiers, couturiers, habilleurs, coiffeurs, maquilleurs et perruquiers participent à la création. Chaque saison, les équipes des costumes d’Angers Nantes Opéra fabriquent et réadaptent des centaines de pièces. Ces petites mains de l’ombre peaufinent les créations dans les ateliers de costumes situés au théâtre Graslin, à Nantes. Nous avons pu visiter les lieux. Immersion.
Maquette et réutilisation
Avant le 18ᵉ siècle, la mise en scène n’existait pas, dès lors la vraisemblance des costumes n’était pas nécessaire. Les artistes jouaient avec des vêtements à la mode. C’est dans la seconde moitié du 18ᵉ siècle que les costumes vont se développer sur scène. Jusqu’aux années 1950, chaque artiste disposait de « bas-vestiaires », sorte de « garde-robe-costume » pouvant s’assortir avec le ou les personnages qu’ils incarnaient.
Aujourd’hui, l’atelier de costumes d’Angers Nantes Opéra confectionne les tenues des personnages. Au théâtre Graslin, c’est Nathalie Giraud qui est la cheffe de l’atelier. Elle coordonne et supervise toutes les étapes de conception du vêtement.
La cheffe d’atelier reçoit les maquettes des costumes d’une production, au moins un an avant la première. Nathalie Giraud avec l’aide du costumier, choisi par le metteur en scène, détaille chaque personnage pour établir un échantillonnage et un devis sur la faisabilité en coût et en temps du projet. De la tête aux pieds, toutes les pièces sont mentionnées. Si le budget est validé, les pièces sont « testées » lors de séances d’essayage avec les acteurs.

Un classeur répertorie les différentes pièces et textiles utilisés pour des spectacles. ©Thomas Bernard / actu Nantes
« On peut travailler du raphia, du cuir, du plastique, du papier. On peut aller sur beaucoup de matières », précise Nathalie Giraud. Des matières parfois dénichées dans un stock de plus de 5 000 pièces, pouvant être transformées d’un spectacle à un autre. Angers Nantes Opéra accorde une grande importance à la réutilisation de matières et pièces de costumes. « On a assez de stocks pour essayer de fournir environ 50 % de ce qui va être produit pour un spectacle », note Nathalie Giraud.
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De la découpe à la couture
Après validation du projet par le costumier, le costume peut être conçu. Au sein de l’atelier de création, des coupeurs et coupeuses réalisent un « prototype », appelé toile. La toile est épinglée sur un mannequin de couture choisi pour être au plus près des mesures de l’artiste qui portera la pièce finie. Un mannequin correspondant à la fiche de mesures de l’artiste qui portera le costume.
« Sur cette toile, on va pouvoir crayonner, faire des dessins de décoration. Si le costumier vient, on peut changer cette toile. Cela permet à la personne qui a dessiné la maquette de visualiser. Cette étape est importante et va permettre de faire des changements ou des retouches si besoin », explique Nathalie Giraud.
À Graslin, Guillaume et Frédérique exercent la fonction de coupeurs depuis près de 30 ans. « J’aime mon métier car à chaque projet, on change d’époque. Ce n’est pas un travail répétitif », confie Frédérique. « On est toujours amené, en fonction de chaque production, à réinventer et à créer des patrons », ajoute Guillaume, qui a toujours voulu travailler dans le monde du spectacle.
Après validation, la toile servira de patron pour couper dans les tissus définitifs.
Les pièces coupées sont ensuite transmises à Armelle et Anne, couturières au sein de l’atelier nantais, en poste depuis 17 et 35 ans. Elles assemblent les pièces découpées par les coupeurs. « J’aime la diversité de mon métier et la technique de mon métier », confie Anne. « Dans ce métier, il faut savoir être précis et patient », enchaîne Armelle. « Les couturières peuvent broder, patiner, teindre », ajoute Nathalie Giraud.

Anne est couturière à l’opéra de Nantes depuis 35 ans. ©Thomas Bernard / actu Nantes
Les couturières se souviennent de l’esthétisme de La Traviata ou bien des robes en métal de Hänsel & Gretel, parmi les productions les plus « marquantes » de leur carrière ». Des exemples illustrant la pluralité des créations.
Le passage d’un atelier à un autre est synonyme de nouvelle étape dans la conception et la fabrication du costume. Au fur et à mesure, l’objet prend forme.
« Reproduire la même chose avec la même précision »
En plus du textile, l’atelier de costumes s’attelle au visage et à l’apparence des personnages sur scène. Au plus près des loges des artistes, nous retrouvons Jérôme et Béatrice, au sein de l’atelier perruquerie et de maquillage.
Jérôme est perruquier à l’Opéra depuis 30 ans. Perruques en papier, en barbe à papa, ou de sept mètres de long, Jérôme a travaillé sur plusieurs productions où il a pu faire preuve de créativité.
« Il faut entre deux et trois semaines pour fabriquer une perruque. La base est appelée « bonnet » (réalisée sur mesure avec une prise d’empreinte du crâne de l’artiste, N.D.L.R.), et c’est sur cette base qu’on implante les cheveux. C’est ce qu’on appelle l’implantation », décrit Jérôme. Une fois le bonnet recouvert de cheveux, la perruque est mise en forme avec l’étape du coiffage. En plus des mèches naturelles, il est possible de constituer des perruques avec des mèches synthétiques, en angora ou végétales.
Béatrice est la « comparse de bureau » de Jérôme. Maquilleuse depuis 35 ans au sein de l’Opéra, un métier rare pour les opéras en France. Au quotidien, Béatrice doit transformer et créer des personnages avec ses pinceaux, comme un peintre. « Lors d’un maquillage, je peux utiliser jusqu’à 5, 6, voire 7 couleurs », confie la maquilleuse.
Chaque soir nous devons reproduire la même chose avec la même précision, ce n’est pas simple. Si on devait demander à un peintre de peindre le même tableau chaque soir, je ne suis pas certaine qu’il puisse reproduire à l’identique.
Béatrice, maquilleuse à l’atelier costumes d’Angers Nantes Opéra
Outre leurs qualités techniques et artistiques, Jérôme et Béatrice sont des oreilles attentives pour les artistes et doivent composer avec le stress de ces derniers.

Jérôme est le perruquier d’Angers Nantes Opéra, et Béatrice, est la maquilleuse permanente du lieu culturel. ©Thomas Bernard / actu Nantes
« Il faut souvent s’isoler mentalement tout en faisant son travail le mieux possible. Il ne faut pas donner du stress à l’artiste mais récupérer le sien », explique Jérôme. « On aime bien créer, une sorte de petit cocon où l’artiste se sent apaisé, calme, et qu’il soit rassuré par rapport à ce que nous, on va lui faire », préconise Béatrice.
« Voir les costumes vivre sur scène »
Les costumes terminés sont confiés aux habilleurs et habilleuses. À Angers Nantes Opéra, c’est Marie-Pierre Génin-Régent, l’habilleuse permanente des lieux. Au cours de notre reportage, Marie-Pierre est accompagnée de Sarah et Sylvaine. Le travail des habilleuses consiste à garantir le même état de costume que lors de la première représentation.

Les habilleuses stockent les costumes. ©Thomas Bernard / actu Nantes
Les habilleuses sont au plus proche des artistes. Derrière le rideau rouge, elles sont à la fois à la conception du costume mais aussi à « sa vie sur scène ».
L’avantage de notre métier, c’est de voir les costumes vivre sur scène.
Marie-Pierre Génin-Régent, habilleuse à Angers Nantes Opéra
Lors des représentations, les habilleuses procèdent à des « changements rapides ». Tels des mécaniciens de Formule 1 lors d’un arrêt au stand, les habilleuses aident l’artiste à changer de tenue le plus rapidement possible.
« Lors d’un changement en coulisses, nous étions cinq autour de l’artiste. Il fallait qu’elle se laisse faire parce qu’il y en avait une qui s’occupait de la déshabiller, l’autre qui s’occupait de remettre, une autre de mettre les bijoux, le maquillage, la coiffure… C’est une vraie mécanique », sourit Marie-Pierre.
En coulisses, les habilleuses sont aussi équipées d’une trousse d’habillage, communément appelée dans leur profession « trousse de secours ». Un outil précieux pour réaliser des retouches supersoniques, entre deux passages sur scène.
« On a toujours une aiguille de fil noir et une aiguille de fil blanc. Si jamais il y a un fond de pantalon qui craque, on peut faire un point ou alors on a des épingles à nourrice », énumère l’habilleuse nantaise.

Un costume réalisé par les créateurs nantais. ©Thomas Bernard / actu Nantes
L’accoutrement prend vie après chaque passage entre les petites mains de l’atelier de costumes. C’est l’addition de plusieurs compétences et d’une créativité commune qui donne vie au costume sur scène. « Pour moi, c’est une alchimie de plein d’éléments qui font qu’on arrive à ce spectacle vivant qui est superbe », résume Marie-Pierre Génin-Régent.

Le travail au sein de l’atelier de costumes donne vie au personnage. ©Thomas Bernard / actu Nantes
Comme leur personnage, les costumes connaissent une aventure dans les couloirs de l’atelier du théâtre Graslin. Véritables passionnés, les créateurs de ces pièces participent au récit pensé par le metteur en scène.
« La finalité d’un costume, c’est de raconter une histoire », conclut avec le sourire Nathalie Giraud.
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