Même si les ventes de modèles thermiques et hybrides dominent encore largement, ce paysage n’aura plus grand-chose à voir avec celui de la prochaine décennie. Car les annonces faites en début de semaine à Bruxelles relèvent davantage de la correction de cap que du revirement stratégique.

Le symbole est fort avec l’abandon de l’objectif de ventes de voitures neuves exclusivement électriques en 2035. Mais dans les faits, cette concession ne modifie que très partiellement la contrainte qui pèsera sur l’industrie automobile européenne.

Ce revirement a pourtant suscité des réactions contrastées. Certains y voient une défaite historique pour l’écologie, quand d’autres saluent une victoire du pragmatisme face aux alertes répétées des constructeurs et de plusieurs États membres, au premier rang desquels l’Allemagne.

Passer de 93 à 11 g/km de CO2 émis en dix ans

Un débat très politique, qui tranche avec la réalité des chiffres. À la lecture précise des mesures, la place laissée au thermique, hybrides compris, après 2035 apparaît en effet extrêmement réduite. Les marchés financiers ne s’y sont pas trompés et les analystes, qui anticipaient plutôt un report à 2040, n’ont observé qu’un impact très limité sur les cours de Bourse du secteur automobile.

Concrètement, Bruxelles ne vise plus une réduction de 100 % des émissions de CO₂ en 2035, mais de 90 % par rapport au niveau de 2021, fixé à 110 g/km. Il s’agit d’une moyenne théorique calculée sur l’ensemble des voitures neuves vendues par un constructeur sur une année.

Dépasser ce seuil expose à de lourdes pénalités financières. Autrement dit, le plafond autorisé tomberait à 11 g/km, contre zéro dans le scénario initial, une exigence qui reste extrêmement sévère comparée au niveau actuel de 93,5 g/km. L’exemple de Renault noté par BFM TV permet de mesurer l’ampleur du défi.

Un retournement de situation encore à effectuer

Entre janvier et novembre, Renault a vendu en France plus de 91 000 Clio, contre près de 31 500 R5, soit près de trois Clio pour une R5. Cette proportion devra être non seulement corrigée, mais totalement inversée d’ici à 2035. D’autant que la Clio 5 encore commercialisée en 2025 affiche des émissions supérieures aux 89 g/km évoqués, et que la Clio 6 hybride représente déjà la version la moins émettrice de la gamme essence.

En conservant malgré tout cette hypothèse favorable, huit R5 pour une Clio permettraient tout juste d’atteindre une moyenne de 9,9 g/km. Dès que l’équilibre se dégrade, par exemple deux Clio pour huit R5, la moyenne grimpe à 17,8 g/km, bien au-delà du seuil autorisé.

Alors certes, Renault ne se résume pas à la R5 et à la Clio. Mais elles permettent néanmoins de remettre en perspective l’annonce de la Commission européenne. Même sur des citadines relativement sobres, le basculement des ventes vers l’électrique s’annonce déjà comme un défi majeur.

Il le sera plus encore pour les SUV, où l’écart d’émissions entre versions thermiques et électriques est bien plus marqué. D’autant que moins l’industrie produira de véhicules thermiques, plus ceux-ci coûteront cher aux automobilistes par rapport aux voitures électriques.

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Pour résumer

L’Europe n’a pas totalement renoncé à l’interdiction du thermique en 2035, mais elle en a légèrement infléchi la trajectoire. Derrière l’annonce de la Commission européenne, présentée comme un tournant majeur, se cache en réalité un ajustement qui laisse peu d’illusions aux constructeurs automobiles.

Rédacteur

Emmanuel Touzot