RÉCIT – Plusieurs membres de ce groupe criminel d’envergure ont été interpellés par la police au terme d’un an d’enquête. Cette structure pyramidale, l’une des plus «puissantes de France», générait encore 15 millions d’euros annuels avant son démantèlement.
C’est une cité emblème de l’opération «place nette XXL» lancée en en mars 2024 par Emmanuel Macron pour «neutraliser» les trafiquants de drogue et assécher leurs points de deal. Pendant plus d’un an, policiers et enquêteurs se sont relayés pour cadenasser les allées de La Castellane afin de contenir le retour des dealers, obligés d’adapter leur stratégie pour contourner les forces de l’ordre.
Se tournant vers la livraison de produits stupéfiants et n’hésitant pas à délocaliser des points de deal vers des copropriétés environnantes, voire des noyaux villageois, les trafiquants du réseau La «Caste» généraient encore 15 millions d’euros de «chiffre d’affaires» à l’année avant que les autorités ne finissent par leur tomber dessus il y a quelques jours, au terme d’une enquête de longue haleine. Comme confirmé lundi par le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, lors d’une conférence de presse, 23 personnes suspectées d’appartenir à ce tentaculaire réseau de stupéfiants ont été interpellées le 24 avril dernier.
16 d’entre elles ont été mises en examen pour des faits de nature criminelle lourdement réprimés par le code de procédure pénale. Mis en cause notamment pour des faits de «direction de groupement ayant pour objet une activité liée aux stupéfiants» et de «blanchiment aggravé», ces individus encourent la réclusion criminelle à perpétuité. 15 des mis en cause ont été placés en détention provisoire, l’un d’entre eux ayant fait l’objet d’un contrôle judiciaire selon le parquet de Marseille.
Racket sur des rappeurs
Des poursuites judiciaires à la hauteur du «CV» de ces criminels aguerris issu d’une structure pyramidale parmi «les plus puissantes de France» et formée autour de Mohamed Djeha, dit «Mimo», un narcotrafiquant d’envergure actuellement détenu en Algérie après son arrestation en 2023 et déjà condamné à 10 puis 30 ans de réclusion criminelle. Cette détention loin des frontières françaises n’a pas empêché l’ex-patron du point de deal de la «Tour K» et importateur de cocaïne depuis la Colombie de poursuivre ses méfaits par l’intermédiaire de ses proches. Son frère, Rachid Djeha, agissait ainsi comme un donneur d’ordre qui «supervisait» les activités criminelles de la cité dans le cadre d’une «entreprise mafieuse hiérarchisée et structurée».
Parmi ces activités ciblées par la Jirs de Marseille et les policiers du service interdépartemental de police judiciaire des Bouches-du-Rhône (SIPJ 13) : de l’acquisition et de la revente de produits stupéfiants en grande quantité, du blanchiment d’argent mais aussi une entreprise officieuse de «sécurité» et de «management» de rappeurs en réalité menacés d’extorsion. Un phénomène de racket déjà pratiqué par la DZ Mafia à l’encontre du chanteur SCH ou volontairement entretenu, à l’image de la «BMF» (pour Black Manjack Family) suspectée d’œuvrer discrètement pour le rappeur Koba LaD.
Se coordonnant via la messagerie cryptée «Exclu Messenger» adoptée par de nombreux criminels européens et dont les serveurs ont été démantelés par les services d’Europol, les membres du réseau de La Castellane s’adonnaient à une forme de «taylorisme» en confiant les activités de deal et de sécurité à des «petites mains» sévèrement réprimées à coups de lynchages en règle pour instaurer la peur.
Assassinats et actions violentes
Jusqu’en juillet 2024, l’organisation pouvait se targuer de générer plus de 40 millions d’euros à l’année avec l’ensemble de ces activités, accompagnées de nombreuses actions violentes destinées à déstabiliser toute forme de concurrence environnante. Un véritable commando armé se déplaçait ainsi régulièrement pour récupérer le plus de «terrains» propice au trafic de drogue. Le gang est aussi lié à plusieurs assassinats et tentatives d’assassinats, dont une en Espagne.
Plusieurs mois après le début de l’opération «place nette XXL», la structure s’est finalement accoutumée aux circonstances policières en déplaçant ses points de deal et ses appartements nourrices et en réduisant même ses «coûts fixes». «Place nette a été un très fort impondérable qui a nui à l’activité du réseau. L’activité des terrains était beaucoup plus restreinte, mais ils rapportaient encore 15 millions d’euros par an», a précisé Nicolas Bessone, n’hésitant pas à évoquer l’existence d’un «capitalisme criminel bestial».
«Nous avons essayé de nous adapter aux nouvelles caractéristiques du narcobanditisme en créant une unité qui a regroupé des agents de la brigade criminelle, des enquêteurs de l’Ofast , de la brigade financière et de la brigade de répression du banditisme ainsi que de la BRI . Cela a porté ses fruits», s’est félicité Philippe Frizon, patron du SIPJ 13, ajoutant que 170 enquêteurs avaient été mobilisés pour procéder aux opérations d’interpellations et de perquisitions dans l’agglomération marseillaise et en Moselle. «Une partie supérieure est hors d’atteinte car elle set trouve à l’étranger et elle est identifiée. Des mandats d’arrêts seront délivrés à leur encontre et notre enquête va continuer», a-t-il promis.