La scène n’a pas manqué d’interpeller. Ce mardi, deux personnes, accompagnées de policiers, se présentent à l’hôpital Pasteur 2 de Nice, service de réanimation. Ce n’est pas n’importe qui. Il s’agit de la juge d’instruction Isabelle Couderc, débarquée de Marseille. La magistrate est chargée de l’instruction à la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) dans la lutte contre la criminalité et la délinquance organisée. Quand elle franchit les portes, elle est flanquée d’un juge des libertés et de la détention. Et, selon Me Paul Sollacaro, elle vient avec la ferme intention de mettre en examen un homme dans un lourd trafic de stupéfiants récemment démantelé par le Service interdépartemental de police judiciaire de Nice (SIPJ). 900.000 euros en liquide, des stups et une arme avaient été saisis dans une opération qualifiée d’historique.
Sauf que, cet homme interpellé à Antibes, a été victime d’une lourde chute lors de sa garde à vue mercredi dernier, comme l’avait révélé Nice-Matin. Son pronostic vital a un temps été réservé. Son avocat, Me Sollacaro, surpris face à des informations contradictoires sur l’origine de cette chute, avait déposé un signalement auprès du procureur de la République de Nice. S’est-il jeté dans le vide, a-t-il été poussé, est-ce accidentel ? Maud Marty, procureur de la République adjointe, a ouvert une enquête « pour recherche des causes des blessures de la personne placée en garde à vue ». Enquête confiée à la cellule déontologie de la Direction interministérielle de la police nationale (DIPN) des Alpes-Maritimes.

Dans ce contexte, cette visite matinale, ce mardi, alors que les bœuf-carottes n’ont toujours pas bouclé leur dossier, a plus que surpris, voire choqué l’avocat. « Mon client est encore au service réanimation à Pasteur et on vient pour le mettre en examen, accompagné d’un Juge des libertés et de la détention, en vue de le mettre en prison ».
« Il est en KO technique ! »
Me Sollacaro avait été prévenu peu avant ce mardi d’une reprise de la garde à vue de son client. Il se dit heurté par le timing. « Mon client est toujours sur le lit d’hôpital, perfusé, avec une attelle cervicale et va peut-être avoir besoin d’une nouvelle intervention chirurgicale au bassin. »
Écrire que le pénaliste niçois a peu goûté la méthode – qu’il estime être le « match retour » après son signalement au procureur – est un euphémisme. « Il était impossible pour moi de faire un entretien avec mon client sur son lit d’hôpital. Il est en KO technique ! J’ai estimé que la garde à vue dans ces conditions était excessive et que l’entretien ne pouvait pas se dérouler dans des conditions normales. La police était là, en plein service réanimation, avec le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention avec l’intention de l’incarcérer ! Ici ce n’est pas la Salvador, où on met quelqu’un en examen, en short dans un hangar, puis on publie la vidéo sur Instagram. C’est la première fois que je vois ça en France ! »
Ulcéré, l’avocat a indiqué qu’il ne cautionnait pas la méthode, et a décidé de tourner les talons pour ne pas valider la procédure par sa présence. Selon lui, la mise en examen n’a finalement pas eu lieu.
L’avocat niçois juge « curieux » qu’on veuille incarcérer son client dans l’affaire de stups avant que l’inspection des services ne vienne l’entendre dans le cadre de sa chute pendant sa garde à vue. Il réclame que l’inspection des services aille au bout de son enquête, qu’elle qu’en soit l’issue. Et réclame que son client soit entendu – ce qui n’a pas encore été fait – quand ses conditions le permettront.