Aux cimaises et dans les galeries, elle se nomme Enila. Derrière l’anagramme, se cache (un peu) Aline Alliès. Graphiste et designer, au sein d’une équipe pluridisciplinaire, donne des couleurs et belle image à la ville de Narbonne depuis 2017. Depuis deux ans environ, elle met de la couleur dans l’art avec ses créations en 2D et 3D. Une pétillante « enfulte » dont l’univers ludique est loin d’être immature. Son monde est à découvrir à Saint-Marcel jusqu’en février.
Enila est profondément ancrée dans la génération Y qui est la sienne. Les Millenials comme elle ont grandi en même temps que naissaient les jeux vidéo, dont le quadragénaire Mario Bros, tout en jouant à la Barbie, aux Playmobil tandis que les super-héros prenaient chair, sortaient des Comics et des dessins animés pour devenir des personnages de film.

Enila, une « enfulte » de la génération Y redonne vie et sens aux héros de sa jeunesse.
Independant – Joël RUIZ
On dit des natifs des années 80 jusqu’au milieu des années 90 qu’ils sont empreints de nostalgie. Enila la transforme en art. Mais c’est aussi une génération qui s’accroche à ses rêves. « J’ai fait des études au Beaux-Arts du Mans. J’ai toujours aimé dessiner depuis toute petite et mon rêve c’était de devenir artiste donc c’est pour ça que j’ai fait les beaux-arts. Et puis, je me suis rendue compte que c’était un métier assez élitiste et qu’au final c’était compliqué donc je me suis dirigée dans le graphisme parce que je me suis dit qu’à la fois ça restait de la création et que c’était un peu plus facile de trouver un métier dans ce domaine. Mais quand on est sur un ordinateur toute la journée, il vous manque quand même le contact avec la matière, de dessiner pour de vrai sur une feuille de papier et tout. Donc c’est pour ça que là, depuis deux ans, je suis revenue un peu à mes premières amours », explique la jeune femme originaire de Chartres.

Choc des cultures : un Play-Popeye qui renoue avec la pipe et les épinards en 2025.
Independant – Joël RUIZ
Des messages adultes dans un univers enfantin
Résidente à Saint-Marcel, Enila a eu tôt fait de s’intégrer au réseau culturel, artistique et associatif de Septimanie. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette artiste émergente met de la couleur, du pétillant et du sens partout où elle expose. Très inspirée par le pop-art, Enila, comme dans la chanson des Rolling Stones, est un arc-en-ciel. Mais ne vous méprenez pas, les symboles joyeux de l’enfance ne sauraient totalement masquer les engagements d’adultes. En cela, elle ne trahit pas les artistes qui l’inspirent. « Warhol, j’aime beaucoup bien sûr. J’aime aussi Marcel Duchamp, parce que ça a été le premier à casser un peu les codes de l’art, à créer des ready-mades, à détourner des objets. Avant, on n’avait jamais vu ça. C’était étonnamment inédit, pendant la Première Guerre mondiale, de faire ce qu’il a fait. Voilà. J’aime bien des artistes comme Armand qui ont beaucoup détourné des objets. Lui, il était plus dans l’accumulation d’objets pour questionner un peu la société de consommation et l’univers, la vie dans laquelle il était. Mais j’aime bien tous les artistes qui ont un rapport personnel avec les objets, qui essayent d’évoquer des choses à travers eux. Parce que c’est vrai qu’après, je fais des toiles, mais j’ai quand même plus une appétence pour les objets en 3D, et qui ont déjà servi, parce qu’en fait, je trouve qu’ils ont déjà une empreinte personnelle », explique Enila.

Mario Bros est l’un des supports fétiches de l’artiste.
Independant – Joël RUIZ
Aline Alliès ne fait du neuf qu’avec du vieux
« Je n’achète rien de neuf, je passe ma vie en brocante ou dans les magasins de seconde main. Je fais beaucoup de veilles sur internet et je fais beaucoup de brocantes. Et puis, des fois, les gens le savent, donc ils m’en apportent aussi. Là encore, j’ai un ami ce matin qui m’a donné un jouet dont il ne se sert plus. Les gens, à force, m’apportent des choses aussi. Je ne prends pas de neufs, ça, j’insiste là-dessus. J’ai commencé en récupérant des choses qui étaient chez moi, que je n’utilisais plus, qui étaient cassées, qui étaient abîmées. C’était dans le but de recycler », explique Enila. Quand c’est cassé, elle répare. Quand c’est abîmé, elle retape. Quand c’est bancal, elle équilibre. Son travail est une allégorie de la vie. Et une passion qu’elle partage avec ses enfants et avec un public généralement conquis. Y compris au bout du monde comme en témoigne l’engouement d’acheteurs partout sur la planète !

Une exposition dédiée aux femmes se prépare. Elle sera présentée en mars à Carcassonne.
Pour elle, son activité d’artiste n’est encore qu’une passion, un hobby, un passe-temps et un exutoire. Modeste, elle n’entend que s’exprimer et faire passer des messages. Et aussi, accessoirement, gagner quatre ronds pour renouveler son matériel.
Une expo dédiée à la femme en mars à Carcassonne
L’année 2026 va débuter sur les chapeaux de roues pour Enila qui prépare activement une exposition qui sera accueillie mi-mars à la maison de la Région à Carcassonne. Celle-ci sera consacrée aux femmes, aux « Wonder-Women » qui parfois se cachent (trop) en elles. Avec sa touche personnelle, l’artiste fera l’éloge de l’émancipation, des Droits des femmes et des forces qui sommeillent en elles. Sans oublier les clichés à balayer.
« En fait, je suis partie vraiment de vieilles publicités. Et au début, c’était vraiment pour les mettre en parallèle avec des personnages ou des mots découpés ou des phrases… Du coup, j’en ai fait plusieurs. Et après, j’ai commencé à détourner des objets. Les Playmobil, c’est assez récurrent chez moi. J’ai également détourné une machine à écrire et plein de choses autour de cet univers-là. Et c’est pour montrer un peu l’évolution et inviter à la réflexion. J’aimerais emmener les gens à se questionner, qu’ils soient femmes ou hommes. Donc c’est un projet un peu plus personnel. Je le classe un peu à part parce qu’il y a toujours ce fil conducteur de la couleur, des icônes pop culture et tout ça. J’ai commencé par la femme, parce que forcément, j’en suis une et ça me touche plus. Mais j’envisage aussi un projet masculin, car ils ne sont pas non plus épargnés, parfois », explique-t-elle.
Exposition en cours à la galerie Lézart à Saint-Marcel-sur-Aude, 4 rue des Horts, jusqu’à fin février avec Fabi, Faby, Minou et Quand je serai grand.