Par

Julie Bossart

Publié le

23 déc. 2025 à 15h32

Paris a perdu l’une de ses grandes figures populaires. Georgette Lemaire est décédée dimanche 21 décembre 2025 à l’âge de 82 ans, à la Maison des artistes de Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne). Chanteuse à la « voix intense et sincère », comme le célèbre aujourd’hui la ministre de la Culture, Rachida Dati, Georgette Lemaire (de son vrai nom Kibleur) était née le 15 février 1943, dans le quartier Belleville (Paris, 20e), au sein d’une famille modeste.

Les plus grands de l’époque

Très tôt passionnée de musique et excellant en chant, la jeune fille fait ses premiers pas officiels de chanteuse aux puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), au cabaret Chez Louisette. Elle s’y produit tous les dimanches, en interprétant des chansons au répertoire réaliste. Sur l’impulsion de sa mère, elle s’inscrit en 1965 au télé-crochet « Le Jeu de la chance » – elle arrive ex æquo avec Mireille Mathieu.

Rapidement, Georgette Lemaire signe avec la maison Philips et enregistre ses premiers succès, composés par Charles Dumont : À faire l’amour sans amour, Je ne sais pas, puis Et si c’était vrai, qui se vend alors 150 000 exemplaires. Sur les grandes scènes parisiennes de Bobino et de l’Olympia, elle côtoie les plus grands de l’époque, en faisant les premières parties de Georges Brassens, en 1967, puis d’Enrico Macias, en 1968. L’année de la consécration puisqu’elle enregistre Vous étiez belle, madame, qui deviendra son titre le plus emblématique.

En 1972, elle reçoit le Grand Prix de la chanson populaire française, les succès continuent à s’enchaîner. Au tout début des années 1980, lorsque Charles Aznavour lui compose un album entier, Pour Aznavour. Il salue alors en elle « une voix, un cœur, une authenticité ».

L’artiste, qui a été faite chevalier des Arts et des Lettres en 1986 par Jack Lang, poursuit sa carrière, mais les succès et les galas se font moins nombreux. Ses difficultés financières sont telles qu’elle est expulsée de son logement parisien et se retrouve dans la rue, avec deux valises et trois sacs. Acculée, elle écrit au président de la République, François Mitterrand, qui lui vient en aide. C’est ce qu’elle a confié à Jean Cau, journaliste à Paris Match, lors d’un entretien republié ce mardi.

On y apprend que Georgette Lemaire est « au fond » et qu’elle décide de remettre une lettre au Président. Sa missive déposée un soir à un « planton » de l’Élysée, parce qu’elle n’ose pas déranger François Mitterrand, la chanteuse a la surprise d’être convoquée le lendemain au palais présidentiel. Elle y est reçue par le bras droit du chef de l’État, « très très gentil », et une autre dame, tout aussi prévenante, qui viendra à son hôtel « pour subvenir quelques semaines ».

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« Ça m’a fait un effet terrible »

Dans la foulée, Georgette Lemaire est nommée au Conseil économique et social, la troisième assemblée constitutionnelle française dont elle ne connaît ni l’existence, ni le fonctionnement ni les codes. « Ça m’a fait un effet terrible, confie-t-elle à Jean Cau. Je crois qu’il y a un sujet toutes les semaines mais la dame m’a dit qu’on ne vous posait pas de questions, qu’on pouvait seulement faire acte de présence (..) et même si je ne suis pas là, je peux me faire excuser. » L’artiste obtient aussi un logement « très bien, propre et neuf » au port de Créteil.

Ce « geste extraordinaire » du président qui « bouleverse » Georgette Lemaire fait polémique. Elle est en tout cas vivement critiquée par le député Ladislas Poniatowski (UDF) à l’Assemblée nationale. À ses yeux, cette nomination est l’illustration « d’un genre kitsch », et a « malheureusement renforcé l’image d’une institution qui joue, au moment des renouvellements, un peu les ‘soupes populaires’ au profit d’un certain nombre de notables ratés, qui sert trop souvent à caser des élus battus ». Dans son hommage rendu aujourd’hui, Rachida Dati balaie le passé et retient que cette nomination a été faite « en reconnaissance de [sa] contribution à la culture populaire française ».

Durant plus de quarante ans, Georgette Lemaire a contribué avec la crème des artistes compositeurs français. Elle laisse le souvenir d’une « artiste entière et fidèle à son art, qui a marqué plusieurs générations par la force de son interprétation », souligne la ministre. Son autobiographie, À m’en déchirer le cœur (Éditions du Toucan), est sortie en 2010. En 2014 est paru son dernier album composé de reprises sur la capitale, Paris Jazz (Balablan Music).

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