Sont-ils si différents ? Ils ont fait leurs armes politiques avec une facilité déconcertante. Mathieu Klein dans le sillage de Michel Dinet, Laurent Hénart dans celui d’André Rossinot. Il ne faut jamais croire qu’on n’a besoin de personne. Depuis ils ont gagné en assurance et pris leurs quartiers dans quelques châteaux forts. Lorsqu’il conquiert la mairie en juillet 2020 après avoir échoué en 2014, Mathieu Klein fait tomber un bastion qui de longue date se refusait à la gauche. Au sortir du confinement c’est comme si de but en blanc Nancy change d’époque. La période n’est pas franchement à la plénitude mais la ville ne demande qu’à se laisser surprendre. La nouveauté va-t-elle faire basculer la cité dans le bon sens ou lui donner des airs de rêverie vite dissipée ? C’est à la suite de le dire. Durant la période du Covid Laurent Hénart doit trouver le tempo entre une campagne de deuxième tour mise entre parenthèses et la gestion de l’épidémie. Imagine-t-il la suite à sa guise ? Il sait que tout peut arriver. Parmi les idées qui lui roulent dans la tête, celle de l’échec se glisse dans un coin. Durant son mandat, il a accompli ses bonnes œuvres politiques et gestionnaires mais l’a-t-il fait suffisamment savoir ? Sous-estimer la force des apparences, est une erreur. Être et paraître, où est la vérité ? Les électeurs tranchent. Il est battu.

Retour à aujourd’hui qui n’efface rien du passé. Pour la troisième fois, Mathieu Klein et Laurent Hénart se retrouvent face à face à l’occasion d’un scrutin municipal. Un rendez-vous qui installe une rivalité idéologique et générationnelle ouverte dès 2005 lors d’une élection législative partielle remportée par Laurent Hénart. Rien de neuf donc ? Oui et non. Sur la ligne de départ il faut conserver la mémoire d’hier et faire en sorte de régler son pas sur les attentes d’aujourd’hui. Donner à sa parole l’éclat de vérité, dévoiler un programme, en ciseler les assemblages, rappeler ce qui a été fait et promettre ce qui le sera. Pour Mathieu Klein l’exercice commence par l’évocation d’une route avec ses difficultés et ses complications qui ne l’ont pas empêché de faire aboutir ses projets : piétonnisation, verdissement de l’espace urbain, transports en commun, mobilités douces, démocratie participative, maison des femmes. En somme, embellir l’histoire, parler du soleil pour faire oublier les nuages ; annoncer que la continuité sera l’action centrale de demain où liturgie de gauche et poids du réel, feront bon ménage.

Le vitriol sortira plus tard. En ce moment quelques gouttes suffisent.

Laurent Hénart joue en attaque, souligne la surabondance des erreurs adverses qui nuisent à Nancy désormais en totale régression. Il le dit et le martèle, le désenchantement gagne du terrain. En tête des griefs de l’ancien maire : la progression de l’insécurité, la hausse de la fiscalité, l’abandon des grands projets, la souffrance du commerce nancéien. Voilà pour le réquisitoire axé sur la déshérence et le déclassement de la ville, mais où vont s’engouffrer les vents de la nouveauté ? Quelle politique pour lever les contraintes budgétaires qui mutilent les ambitions ? L’ébauche programmatique tente de rallumer la flamme des espérances en matière de sécurité, de rayonnement, d’attractivité, d’écoute des citoyens. Mais – c’est valable des deux côtés – derrière le jargon de campagne, c’est le sens du concret et l’impact des transformations annoncées que les électeurs vont évaluer.

Avant d’en découdre les deux rivaux s’efforcent de faire luire leur image. Le vitriol sortira plus tard. En ce moment quelques gouttes suffisent. Ils ont en commun la délicate gestion des candidatures encombrantes. LFI pour Mathieu Klein qui, il l’assure, n’envisage aucune compromission avec les mélenchonistes ; Emmanuel Lacresse pour Laurent Hénart. Ignorant l’aspect hypothétique de ses chances, le macroniste poursuit son chemin. Pas plus tard que la semaine dernière, il était au marché central pour expliquer qu’élu maire il ne changera rien rue Saint-Dizier.

Plus l’échéance se rapproche et plus le maire actuel et son prédécesseur vont devoir sentir les ambiances, agrandir l’angle de leurs analyses, lever des perplexités, désarmer des préventions et dans ces temps de grand foutoir, ressourcer une pensée politique qui bat de l’aile à l’Assemblée nationale comme à l’Élysée. Devant eux ils n’ont que deux possibilités : créer une communion avec les citoyens ou échouer. Les dés vont rouler ; faites vos jeux !