Depuis près de quatre ans, elle sillonne l’Europe pour tenter de convaincre les dirigeants européens de confisquer et utiliser les 210 milliards d’euros d’avoirs de la Banque centrale russe gelés sur le Vieux Continent. En vain. Olena Halushka, cofondatrice de l’ONG International Center of Ukrainian Victory (ICUV) et membre du conseil de AntAc, une association anticorruption, ne cache pas sa déception après le dernier sommet européen, au cours duquel le projet de lancer un méga prêt à l’Ukraine en utilisant une partie de ces avoirs russes a échoué.
Certes, Kiev a obtenu un prêt de 90 milliards d’euros mais il sera financé par les contribuables européens et pas par l’agresseur. Un échec lié, d’après cette activiste, aux pressions et menaces russes, qui ont porté leurs fruits sur certains dirigeants européens.
Olena Halushka – Je vois le verre à moitié plein. L’Ukraine recevra 90 milliards d’euros dont elle a grand besoin. Ce financement couvrira ses besoins budgétaires essentiels et soutiendra sa production nationale et l’achat d’armes aux Européens ces deux prochaines années. Les besoins globaux de l’Ukraine s’élèvent à environ 137 milliards d’euros, ce qui signifie qu’un soutien supplémentaire des États membres de l’UE et de partenaires tels que la Norvège, le Royaume-Uni, le Canada et le Japon restera nécessaire. Mais il faut savoir que cet argent ne permettra pas une victoire. Il s’agit seulement de permettre à l’Ukraine de poursuivre le combat. Précision importante : l’Ukraine ne commencera à rembourser ce prêt qu’après avoir reçu des réparations. Cela garantit que le pays ne s’endettera pas davantage pour se défendre.
Oui, pour moi, c’est une grande déception. Car l’emprunt conjoint signifie que ce sont les contribuables européens qui supporteront la charge financière. En Ukraine, nous apprécions profondément le soutien et la solidarité de l’Europe. Mais quel sera le coût politique au sein de l’UE ? Une pression supplémentaire sur les finances publiques, en particulier dans le domaine de la défense, alimente inévitablement les discours d’extrême droite et populistes, ce qui devrait préoccuper tous ceux qui se soucient de la stabilité démocratique. De plus, quel signal cela envoie-t-il à la Russie ? Que l’argent de l’État agresseur qui commet la plus grande guerre depuis la Seconde Guerre mondiale est mieux protégé et sauvegardé que les fonds des contribuables européens ?
Cela dit, une mesure importante a été prise concernant ces avoirs. L’UE a enfin modifié la procédure d’immobilisation de ces actifs, passant d’un régime renouvelé à l’unanimité tous les six mois à une immobilisation à long terme « jusqu’à ce que la Russie mette fin à la guerre et paie des réparations ». Cela permet au moins de protéger les actifs contre les dirigeants favorables au Kremlin qui pourraient faire pression pour que cet argent soit restitué prématurément à la Russie. Cela comble une lacune dangereuse.
Oui, c’est certainement l’une des raisons. La Russie a déployé tout son arsenal de pressions et d’intimidations, notamment des menaces de mort contre des dirigeants belges et la direction d’Euroclear (la société dépositaire de ces avoirs), le survol par des drones non identifiés de l’aéroport de Bruxelles, de bases militaires belges et des installations de production hautement sensibles de Thales. Il est clair que ces pressions ont porté leurs fruits.