Là-haut sur la montagne, il y a quelques maisons de bois, le vent glacial qui abiment les chairs, les bruits lourds et feutrés des pas des hommes dans la neige, épaisse et éblouissante. C’est dans ce décor hors d’âge que Louise Hémon a posé sa caméra pour filmer l’arrogante beauté de la montagne, pour se servir des pleines lunes comme projecteurs féeriques, mais aussi pour s’approcher d’une communauté, loin de toute société, trop haut dans la montagne pour pouvoir s’en détacher. Nous sommes en 1900, le siècle s’ouvre sur des disparitions et sur un désir féminin qui fait trembler la terre. 
L’Engloutie premier long métrage de Louise Hémon ne se laisse pas définir facilement, il tient à son mystère mais nous tentons de lever un coin du voile.

L'Engloutie L’Engloutie – ©Take Shelter – Arte France Cinéma

Situé dans les paysages enneigés des Hautes Alpes, le film de Louise Hémon prend une tonalité mythique. “La montagne est à la fois fascinante, sublime et très dangereuse et donc elle propice à l’imaginaire. J’ai l’impression que toute histoire qui s’y déroule prend les atours du mythe parce que c’est comme si les êtres humains ne faisaient que passer.”

Une jeune institutrice incarnée par Gallatéa Bellugi parvient dans ses hauteurs chargée de la mission d’éducation alors portée par la Troisième République. Louise Hémon imagine le début de ce récit comme un western : “L’étrangère, vêtue de noir arrive avec le savoir dans les grands espaces au fin fond des montagnes, dans une communauté fermée où elle va devoir s’imposer.” Aimée représente alors toute l’ambiguïté de cette entreprise républicaine : “je trouvais qu’il y avait un face-à-face ambigu et intéressant, c’est à la fois une mission magnifique, égalitariste, et en même temps une conquête civilisatrice.”

Aimée est une femme moderne, indépendante, politisée et rationnelle. Une fois plongée dans “un bain de mysticisme où les superstitions et la pensée magique ont toutes leurs places”. Dès l’écriture du scénario, c’est la possibilité de cette bascule, de la pensée cartésienne vers le trouble fantastique qui animait la réalisatrice : “Jusqu’à où son mode de croyance, son esprit va résister ? Jusqu’à où on garde les pieds sur terre alors qu’il y a des événements inexplicables et de plus en plus irrationnels qui se passent ?” Tout en suggestion, le film progresse sur le fil ténu d’un réalisme magique : “Quand je rencontre les spectateurs et les spectatrices, chacun a son interprétation. Ça, ça me plaît beaucoup. Le film peut se vivre du début jusqu’à la fin, de manière totalement rationnelle et concrète, ou alors à un moment, on peut décider de quitter le réel et partir complètement dans le conte. C’est un film qui est ouvert de ce point de vue-là. C’est un film de sensations : il faut se laisser porter.”

Plus d’informations

  • L’Engloutie de Louise Hémon sort en salles le 24 décembre.
  • Premier long-métrage de la réalisatrice, L’Engloutie a été sélectionné à la Quinzaine des cinéastes à Cannes et a été récompensé du Prix André Bazin, du Prix Jean Vigo, du Prix de la critique au CEFF et du Prix du jury au Festival nouvelles vagues de Biarritz.

Extraits sonores

  • Un extrait du film « L’Engloutie » de Louise Hémon
  • L’écrivaine Marie Hélène Lafon sur le paysage dans l’Heure Bleue sur France Culture en 2023
  • L’écrivain Umberto Eco sur l’interprétation  dans A voix nue sur France Culture en 1996
  • La chanson de fin : « L’Hiver » de Vivaldi, recomposé par Max Richter