Le militant antifasciste albanais surnommé « Gino », que la France avait refusé de remettre à la Hongrie par crainte pour ses droits fondamentaux, et qui est désormais réclamé par l’Allemagne, a obtenu mercredi sa remise en liberté sous contrôle judiciaire.

Rexhino Abazaj alias « Gino », 33 ans, fait partie d’un groupe de militants antifascistes accusés par la Hongrie de violences sur des militants d’extrême droite en marge du « Jour de l’honneur », une commémoration annuelle organisée par les néonazis.

La Hongrie a émis un mandat d’arrêt européen à son encontre, mais la France avait refusé en mars dernier de le remettre à Budapest, invoquant « des risques » d’un « traitement inhumain » en prison et l’incertitude de lui garantir un procès équitable dans ce pays de l’Union européenne.

Il vivait depuis à l’abri des poursuites hongroises, à Paris, avec un CDI d’ouvrier et un projet de mariage. Jusqu’à la mi-décembre, lorsque la police antiterroriste l’arrête et lui apprend qu’il fait l’objet d’un nouveau mandat d’arrêt européen, pour les mêmes faits, émis le 5 mai par l’Allemagne.

Mercredi, son avocat Youri Krassoulia a obtenu devant la cour d’appel de Paris sa remise en liberté, dans l’attente d’un examen le 28 janvier de son possible transfert vers l’Allemagne. Il y encourt dix ans de prison.

L’homme « est recherché par les autorités allemandes pour des faits graves » commis en Hongrie sur des militants d’extrême droite de nationalité allemande, a fait valoir l’avocate générale qui s’opposait à sa remise en liberté. Selon les autorités hongroises, « Gino » fait partie d’un « groupe organisé » d’une quinzaine de personnes qui aurait commis cinq agressions distinctes sur des membres de l’extrême droite pendant leur séjour à Budapest.

– « Procès politique » –

Leur sort a pris un tour politique alors que le Premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban s’est engagé à réprimer la « violence d’extrême gauche », et cherche à obtenir leur transfert depuis plusieurs pays européens.

L’Italie a refusé de livrer à Budapest l’un de ses ressortissants, Gabriele Marchesi, comme la France l’avait fait pour « Gino ». Une autre Italienne, Ilaria Salis, qui était apparue devant la justice hongroise enchaînée et pieds liés, a pu être libérée après avoir été élue eurodéputée, un mandat qui lui confère une immunité.

D’autres militants ont préféré se rendre aux autorités allemandes plutôt que de risquer un procès à Budapest.

L’Allemagne a jugé certains de ces antifas, prononçant en septembre 2025 une peine de cinq ans de prison à l’encontre d’une extrémiste de gauche allemande, Hanna S.. Mais le pays a surtout consenti à remettre l’un de ces activistes, de nationalité allemande, Maja T., à la Hongrie, où son procès doit se poursuivre en janvier 2026.

Ce transfert, sévèrement critiqué par la Cour constitutionnelle allemande, alimente les craintes de « Gino » d’être un jour remis à la Hongrie, si le mandat d’arrêt européen émis par l’Allemagne est mis à exécution.

Militant pour le droit au logement, « Gino » « a fait confiance à la justice française », a commenté à l’issue de l’audience Me Krassoulia auprès de l’AFP. Les juges « doivent le protéger d’un procès politique, et d’un mouvement plus global de répression des mouvements antifascistes en Europe », dont certains ont été placés mi-novembre par le président américain Donald Trump sur sa liste noire des organisations « terroristes ».

publié le 24 décembre à 16h49, AFP

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