Dimanche 19 octobre 2025, 9h30 : un commando de quatre personnes utilise une nacelle pour ouvrir par effraction l’une des fenêtres de la galerie d’Apollon et faire irruption dans le musée du Louvre. Les malfrats brisent les vitrines, s’emparent de neuf bijoux de la Couronne et déguerpissent. Le « casse du siècle » – dont le préjudice matériel est estimé à 88 millions d’euros – n’aura duré que sept minutes. Mais deux mois plus tard, il continue de fragiliser le musée le plus visité du monde. Retour sur deux mois d’enquête et de controverses.

Des critiques dès le départ

De premières critiques le système de sécurité du Louvre se font entendre dans les heures qui suivent le cambriolage. La présidente-directrice du musée, Laurence des Cars, avait sonné l’alerte dès le mois de janvier sur la vétusté du bâtiment. Emmanuel Macron avait alors annoncé un plan de modernisation, avec une enveloppe de 700 à 800 millions d’euros sur une dizaine d’années. Mais au lendemain du vol, un pré-rapport de la Cour des comptes pointe des retards « considérables » et « persistants » dans la mise aux normes des installations techniques du musée.

Laurence des Cars présente sa démission le jour suivant, mais la ministre de la Culture la refuse. Rachida Dati assure alors que « les dispositifs de sécurité du musée n’ont pas été défaillants » et annonce l’ouverture d’une enquête administrative.

Premières auditions et arrestations

Le Louvre, fermé depuis le casse, rouvre le 22 octobre. Laurence des Cars, sous le feu des critiques, est auditionnée le même jour par la commission de la culture du Sénat. Elle reconnaît des lacunes en matière de sécurité. En coulisses, l’enquête se poursuit pour retrouver les bijoux et les malfaiteurs, qui ont laissé de nombreux indices derrière eux. Deux premiers suspects, soupçonnés de faire partie du commando, sont identifiés grâce à leur ADN et arrêtés le 25 octobre. Ils sont mis en examen le 29 octobre et écroués.

Le soir même, cinq nouvelles personnes sont interpellées. Parmi elles : un des cambrioleurs présumés et une femme, soupçonnée d’être leur complice. Leur mise en examen est annoncée quelques jours plus tard.

Des rapports accablants

Le 31 octobre, l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) rend ses premières conclusions. L’enquête administrative met en évidence une « sous-estimation chronique, structurelle, du risque intrusion et vol » par le musée et « un sous-équipement des dispositifs de sécurité ».

Le 6 novembre, la Cour des comptes en rajoute une couche, en estimant que le Louvre a « privilégié des opérations visibles et attractives » au détriment de la sécurité. Le rapport juge le plan annoncé par Emmanuel Macron en janvier « pas financé » en l’état. La direction du musée réagit le lendemain, en présentant des « mesures d’urgence » (caméras de surveillances supplémentaires, création d’un poste de responsable sécurité, etc.).

Deux incidents et un audit qui font tache

Deux incidents survenus au Louvre relancent la polémique : le 17 novembre, la galerie Campana, menacée par une « fragilité », ferme au public. Le 26 novembre, une fuite d’eau endommage plusieurs centaines d’ouvrages de la bibliothèque des Antiquités égyptiennes. Le même jour, un audit de sûreté réalisé en 2019 – durant le mandat de l’ancien directeur du musée, Jean-Luc Martinez – fuite dans la presse. Ce document pointe la « vulnérabilité » du balcon emprunté par les cambrioleurs pour accéder à la galerie d’Apollon. Laurence des Cars affirme qu’elle n’a découvert ce rapport que « quatre jours après le vol ».

En parallèle, quatre nouvelles personnes sont arrêtées le 25 novembre, dont le dernier membre présumé du commando, composé d’hommes d’une trentaine d’années. Comme ses comparses, il est placé en détention provisoire. Seule leur complice présumée a obtenu une libération sous contrôle judiciaire.

Les personnels se mettent en grève

Les auditions se sont poursuivies au Sénat. Le 10 décembre, les inspecteurs de l’Igac ont mis directement en cause la direction du musée, passée et actuelle. Mercredi 17, Jean-Luc Martinez a réfuté toute négligence devant les sénateurs. Lui et Laurence des Cars devront aussi s’expliquer devant les députés, qui lanceront prochainement une commission d’enquête, dont les résultats sont attendus en mars.

Avant cela, la direction du Louvre devra trouver un moyen d’apaiser la colère de ses personnels, en grève depuis le début de la semaine. Ils protestent contre la détérioration de l’accueil du public dans le musée et, affirment-ils, des « conditions de travail toujours plus dégradées » depuis le vol. Laurence des Cars s’est montrée optimiste jeudi sur France inter, assurant que le Louvre « sortira renforcé de cette crise ». Les bijoux volés, eux, n’ont toujours pas été retrouvés.