Le Mensuel : En 2020, quand vous avez ouvert votre conserverie gastronomique, vous vouliez « dépoussiérer la gueule de la conserve ». Était-ce également votre souhait en ouvrant l’Arsouille en 2002 ? Vous vouliez dépoussiérer la restauration ?

Christophe Gauchet : On voulait retrouver une ambiance bistrot, avec un rapport humain simple, une cuisine accessible, évidente. Je voulais désacraliser la gastronomie. J’adore manger, mais je ne suis pas toujours à l’aise dans certains lieux comme les restos “gastros”. Je voulais recréer une ambiance moins guindée, avec de bons plats et un comptoir pour se poser, pas uniquement pour payer. Le comptoir, c’est devenu un marqueur. L’exemple le plus parlant aujourd’hui à Rennes, c’est Mirlitantouille.

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DécouvrezVous considérez-vous comme un précurseur du mouvement bistronomique à Rennes ?

Pas vraiment. Il y avait déjà le Tire-bouchon avant l’Arsouille. C’est vrai que ça s’est beaucoup développé ensuite dans les grandes villes. À Rennes, ce développement a coïncidé avec l’arrivée de nouveaux habitants, de Paris ou d’autres métropoles. En cuisine, il y a eu un vrai phénomène de mode autour de ce type de restauration venu de la capitale. Mais je n’aime pas le mot « bistronomie ». C’est un mot-valise. Un terme trouvé pour mettre les gens dans des cases.

Justement, aujourd’hui, n’y a-t-il pas trop d’établissements qui s’estampillent bistrot, histoire de coller à la réputation bistronomique de Rennes ?

Oui. Mais le plus important, c’est le rapport à l’identité. Si tu n’as pas une identité claire, tu peux avoir le nom le plus funky du monde, la plus belle déco, il manquera l’âme. L’âme, ce sont les gens qui tiennent le lieu, leur gouaille, leur personnalité… À l’Arsouille, il se passait quelque chose. Ceux qui y bossaient avaient tout compris. Tu peux vendre un concept, d’accord, mais ça n’a rien à voir avec un bistrot vivant qui a une identité. Le concept n’a qu’un temps. L’identité reste.

Quelles sont les principales différences entre le concept et l’identité ?

Le concept, c’est un truc plus marketing, très réfléchi. Quand on a ouvert l’Arsouille, on l’a fait un peu dans l’inconscience, sans trop se poser de questions. Il y avait un état d’esprit, une philosophie. On est restés 18 ans dans le même lieu. Le nom correspond à un endroit précis, c’est ça aussi l’identité. Pour moi, le concept c’est un gros mot. Et c’est démultipliable. Les patrons qui tiennent quatre ou cinq établissements avec des concepts différents, ce n’est pas mon truc. À l’Arsouille, la cuisine changeait tous les jours, en fonction des produits chinés sur le marché. On était capable de changer de plats dix minutes avant le service. Le vin c’était pareil. On était à l’opposé des gens qui font de la cuisine « reproductive ».