REPORTAGE – Entre retour à des pratiques ancestrales et production raisonnée, les fondatrices veulent proposer une nouvelle manière de consommer.
Leur local tout en bois est entouré de poules, de cochons et de moutons. «Il y a pire comme outil de travail», s’amusent Mathilde Andrieu et Tiphaine Maurice. Cohabitant avec des fermes urbaines du Vieux Doulon, à Nantes, les entrepreneuses ont presque fini leur emménagement. Seul le four solaire manque à l’appel. Son installation n’est plus qu’une question de jours… «On a tenu l’objectif d’ouverture fin 2025 !», se réjouissent les fondatrices de Facettes, une boulangerie d’un style nouveau dans la cité des Ducs. Fidèle à son nom, la marque se veut multifacette.
100% bio, cuisson à la chaleur du soleil, livraison en vélo-cargo, horaires de journée, matières premières locales, production raisonnée… le binôme veut réinterroger le modèle conventionnel de la boulangerie et proposer une nouvelle manière de consommer le pain. En utilisant du levain, elles remettent aussi au goût du jour un ingrédient ancestral plus digeste pour l’organisme. Les premiers pains seront vendus à partir du 12 janvier.
Inspiration normande
Leur local se situe dans le quartier du Vieux Doulon, près de deux fermes urbaines.
LT/Le Figaro
«J’ai toujours eu le désir d’entreprendre», rembobine Mathilde Andrieu, 36 ans, la doyenne du duo. Cette ancienne ingénieur en urbanisme a eu un déclic lors d’un séjour en Normandie. Un jour, elle y rend visite à des amis, fondateurs de NeoLoco, première boulangerie solaire d’Europe. Convaincue par leur modèle qui commence tout doucement à s’implanter en France, elle souhaite le dupliquer à Nantes. Elle reprend alors un CAP bio et levain dispensé par une minoterie de Loire-Atlantique. Dans ce cadre, elle effectue un stage dans une boulangerie nantaise où elle fait la connaissance de Tiphaine Maurice, 25 ans. Apprenant son départ, Mathilde Andrieu lui propose d’embarquer avec elle dans l’aventure. Leur projet démarre officiellement en janvier 2025.
À la fois gestionnaires et boulangères, les deux femmes ont particulièrement bien étudié leur modèle. «Le lundi et le jeudi, on produit la pâte qu’on laisse fermenter», décrit Tiphaine Maurice, dotée d’un DUT en gestion des entreprises puis d’une expérience de «wwoofing» dans des fermes bio. Le pétrissage peut être manuel ou mécanique, selon les cas. Le mardi et le vendredi, place à la cuisson de biscuits salés, sucrés et de pain. En cas de beau temps, les cinq mètres carrés de miroirs captent les rayons du soleil et les reflètent vers un point focal brûlant, permettant de diffuser de la chaleur auprès d’un four. Ne nécessitant aucun branchement, cette installation solaire est notamment plébiscitée par des ONG car facilement importable dans des villes peu raccordées.
«L’objectif est d’avoir 100% de biscuits cuits au soleil», reprend la benjamine de Facettes. En effet, leur conservation longue durée (plusieurs semaines) permet d’adapter facilement la production à la météo. En revanche, pour le pain, en cas de météo pluvieuse, un four à bois prend le relais. Environ 800 pains devraient être produits chaque semaine. Boule à facettes, pain des Allemands, pain des «a-mies», le tout choco… La recette dépend des précommandes, afin de ne pas gaspiller. Ensuite, les produits peuvent être récupérés dans des dépôts, ou à vélo via des coursiers. Les fondatrices elles-mêmes ont aussi acheté un vélo-cargo reconditionné pour assurer quelques livraisons. Mais elles ne se chargent pas des trajets trop tardifs : elles ont à cœur de travailler sur des horaires de journée, soucieuses d’un rythme de vie équilibré.
Des produits «accessibles et non élitistes»
Contrairement à la majorité des boulangers, elles ne travaillent ni la nuit ni le week-end. Cela est rendu possible grâce aux pains, consommables quant à eux jusqu’à une bonne semaine. Les prix sont alignés sur ceux de leurs concurrents bios. «On veut que nos produits soient accessibles et non élitistes. Que tout le monde puisse en profiter», insiste Mathilde Andrieu, qui a planché sur le modèle économique. 150.000 euros ont été nécessaires pour lancer le projet. 10% venus de leur poche, le reste financé par des prêts bancaires et un peu de financement participatif. «Les banques nous ont suivies», insistent-elles, pour vanter la solidité de leur coopérative. Dans un an, elles espèrent pouvoir se rémunérer 2000 euros net. La rentabilité reste importante pour «montrer qu’un autre modèle est possible. C’est la preuve par l’exemple». «On aime le pain de qualité et pas à prix d’or ! On souhaite éveiller les papilles de tout le monde, et montrer que c’est bon pour la santé et la planète», résument les deux femmes sensibles à l’écologie sur leur site internet de couleur jaune orangé… comme le soleil.
Tiphaine Maurice et Mathilde Andrieu, devant leur gamme de pain. Facettes est la première boulangerie solaire à Nantes.
Facettes Boulangerie