Par

Jessie Leclerc

Publié le

29 avr. 2025 à 16h54

Mais que se passe-t-il au Rouen Handball (RHB) ? Sur les réseaux sociaux, des publications de certains membres du club interpellent. Le projet féminin pourrait être en péril. Le club ferait aussi face à des problèmes financiers et de gestion. Qu’en est-il vraiment ? On vous éclaire.

Une section prometteuse

Lancé, il y a près de dix ans, le projet féminin du RHB a connu une ascension fulgurante. D’un niveau régional, l’équipe a gravi les échelons jusqu’à la Nationale 1, aux portes de la deuxième division (D2), leur objectif désormais. Portée par Sébastien Lesonneur le responsable de la section féminine depuis juin 2024, Christophe Cassant le coach, et Alexandre Briet le chargé de la communication et du développement, la dynamique semblait prometteuse. « En 2024 on a amorcé le dernier étage de la fusée en se rapprochant de la D2 », affirme Sébastien Lesonneur.

Mais aujourd’hui, ce projet est « sur le point de mourir » selon lui. En cause, une réorientation inattendue du RHB.

Deux projets de montée en parallèle : un pari « suicidaire »

Le club vient d’annoncer son plan « Pro Ligue 2025-2030 », visant à hisser l’équipe masculine en deuxième division. Une ambition que beaucoup jugent incompatible avec celle, déjà en cours, de faire monter la section féminine au même niveau. « On ne peut pas mener deux projets aussi lourds en parallèle. Aucun club ne le fait, c’est suicidaire », alerte Sébastien Lesonneur, évoquant un budget de 800 000 euros pour une seule équipe féminine de D2. Il affirme que, « la direction est déconnectée de la réalité, utopique ». Il n’est pas contre une montée de l’équipe masculine, mais pour lui « il faut laisser les filles monter et attendre qu’elles se stabilisent et seulement après les garçons pourront monter ».

On ne peut faire monter qu’une section à la fois car ça coûte très cher et ça nécessite beaucoup de moyens humains et financiers. On ne peut pas être rêveur quand on parle d’un projet comme ça.

Sébastien Lesonneur
Responsable de la section féminine du RHB

Tout le monde tire la sonnette d’alarme. Un collectif, « Wonders en Berne », a même été monté pour faire entendre la voix des filles. Il réunit joueuses, parents, partenaires et dirigeants : « On a promis un avenir aux filles. Elles ont tout quitté pour venir ici à 13-15 ans. On leur dit quoi maintenant ? Que c’était du vent ? Au final, tout le monde pense avoir été trahi, nous y compris ».

Les partenaires privés comme public ont aussi été alertés, car en quatre ans, ils ont déjà déboursé près de 2 millions d’euros pour la section.

« 10 ans de travail à la poubelle »

La filière féminine représente 140 licenciées, un chiffre conséquent. Au RHB, il y a une « quasi-parité, affirme Sébastien Lesonneur. Il y a plus de filles que de garçons en formation mais plus d’hommes que de femmes chez les adultes ».

Mais selon lui, tous ne sont pas égaux : « En 2025, il y a encore des gens qui n’acceptent pas qu’une équipe féminine soit devant une équipe masculine. C’est de la misogynie ».

Le projet masculin en face rend caduc le projet féminin et je dirais même, le projet masculin aussi car tout va tomber. Bernard Garcia parle d’un projet solide, il croit en son truc, mais il faut être réaliste.

Sébastien Lesonneur

Face à l’impasse, le projet féminin, soutenu par Sébastien Lesonneur, envisage une prise d’indépendance : « On souhaite prendre notre autonomie si la direction continue de croire qu’elle peut faire monter les deux projets. Mais il faut un accord pour conserver notre niveau de jeu. Sinon, on repart de zéro, on redescend en départemental et là, c’est 10 ans de travail à la poubelle ». Mais aux dernières nouvelles, la demande n’a toujours pas été acceptée. « Ils refusent catégoriquement », s’indigne Sébastien Lesonneur.

Une crise de gestion ?

Au-delà des questions de stratégie sportive, des inquiétudes émergent quant à la gestion globale du club. Sébastien Lesonneur parle même d’un déficit important. « Le club fonctionne comme une entreprise, mais sans la vigilance qui va avec. Aujourd’hui on ne peut pas se permettre de faire monter les hommes et les femmes. Si les finances plongent, qui va boucher le trou ? », lâche-t-il.

Le RHB essaie d’évoluer en cherchant d’autres ressources. « On a développé toute la partie événementielle, comme avec Margot Abate au Kindarena, car les aides des collectivités et partenaires privés ce n’est plus assez », explique Sébastien Lesonneur, mais cela suffira-t-il ?

« Une réorganisation stratégique »

Sollicité, Bernard Garcia, directeur du RHB, n’a pas souhaité s’exprimer. Il nous renvoie vers son communiqué publié sur ses réseaux sociaux, en réponse au collectif « Wonders en Berne » : « Le club n’est en aucun cas en péril, bien au contraire. Il traverse une phase de réorganisation stratégique. […] Nous sommes confiants sur le fait que les ajustements apportés permettront de renforcer la compétitivité et la visibilité du club à tous les niveaux. » Et d’ajouter : « Le projet féminin, fait partie intégrante de notre identité ».

Il appelle au rassemblement : « Il est nécessaire d’agir ensemble, dans un esprit de cohésion et d’ambition commune ».

Les filles déjà reclassées dans d’autres clubs

Alors qu’il espérait des réponses lors du conseil d’administration du club le 22 avril, Sébastien Lesonneur reste dans le flou le plus total : « Ils n’ont pas voulu parler du projet féminin et masculin, mais au-delà de ça, ils n’ont pas voulu parler des finances, ce qui nous inquiète le plus actuellement ».

Actuellement, le responsable de la section féminine pense avant tout à « sauver les projets individuels de chacune des filles ». Ne croyant plus au projet de D2 féminine au RHB, il voit déjà pour les répartir dans d’autres clubs qui pourront les amener vers leurs objectifs.

Il conclut : « On est dans l’attente de savoir ce qui va se passer. Les collectivités se manifestent déjà pour alerter du problème, maintenant on attend que la Métropole, qui est notre plus gros financeur se positionne. Je demande à Nicolas Mayer-Rossignol de prendre position de façon claire ».

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