EN BREF Les films d’animation modernes, avec leurs rythmes rapides et couleurs vives, ne conviennent plus aux enfants, affectant leur attention et développement.
Aucune réglementation n’encadre la production de ces films, souvent dictée par des intérêts commerciaux.
Les médecins conseillent de réduire le temps d’écran, en favorisant des activités calmes et des interactions réelles.

À l’ère du numérique, tout va plus vite. Les films d’animation d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec ceux des années 80, et encore moins avec ceux d’avant. Les images s’enchaînent à un rythme effréné, les mouvements sont plus complexes, les couleurs plus vives, les textures plus détaillées.

Avant, un plan durait en moyenne une dizaine de secondes. Aujourd’hui, il dépasse rarement trois secondes. Mais ces changements sont-ils vraiment adaptés aux enfants ? Comme nous l’expliquons dans la vidéo en tête d’article, la réponse est clairement « non » selon Anne-Lise Ducanda, médecin et spécialiste des effets des écrans sur le développement de l’enfant.

Attention réflexe et attention focalisée

« Plus les images sont rapides, plus les effets lumineux et sonores sont importants. C’est-à-dire des couleurs vives plutôt que des couleurs pastel, des flashs lumineux et sonores. Plus l’enfant va être capté et moins son cerveau va pouvoir traiter l’information justement. Puisqu’il a besoin de lenteur pour traiter chaque information, ce qui se fait dans le monde réel, explique-t-elle. Si un dessin animé a des couleurs douces, des séquences qui restent plus de 4 secondes, ce qu’on appelle des temps longs, à ce moment-là, l’enfant va pouvoir suivre la narration, comprendre les dialogues, comprendre l’histoire, et suivre des scénarios. »

Pour mieux comprendre ce qui se joue dans le cerveau des plus jeunes, la médecin rappelle qu’il existe deux formes d’attention, qui ne sont pas sollicitées de la même manière par les écrans. L’attention réflexe, d’abord, qui pousse l’enfant à réagir aux points les plus marquants, sons, lumières, mouvements rapides au détriment d’une attention focalisée, plus soutenue et réfléchie.

Les médecins insistent donc sur deux points essentiels : la durée d’exposition aux écrans, mais aussi la nature des contenus regardés. Une étude publiée en 2011 dans la revue Pediatrics montre que regarder un programme calme, comme le dessin animé Caillou, n’a pas d’impact négatif sur l’attention des enfants, tout comme le fait de dessiner. À l’inverse, seulement neuf minutes devant Bob l’éponge suffisent à la faire chuter.

Pixar, Disney, Warner Bros… aucune règle officielle

Face à ces constats, les médecins recommandent aux parents de privilégier les activités sans écran, la lecture et, surtout, les interactions dans la vie réelle. Si les studios connaissent les recommandations médicales, il n’existe pourtant aucune règle officielle encadrant le rythme, la durée ou l’intensité des films d’animation destinés aux enfants.

Selon Xavier Kawa-Topor, spécialiste du cinéma d’animation, cette évolution répond avant tout à une logique commerciale : créer des films capables de rassembler toute la famille en salle. Un objectif qui pousse les studios à multiplier les références, les gags visuels et le rythme, parfois au détriment des plus jeunes spectateurs.

D’après Santé publique France, un enfant de deux ans passe en moyenne 56 minutes par jour devant un écran. Pourtant, les recommandations médicales restent très strictes :

  • Avant 3 ans : aucun écran
  • Entre 3 et 6 ans : maximum 30 minutes, uniquement le samedi et le dimanche, avec des contenus lents
  • De 6 à 10 ans : une heure le week-end, l’après-midi
  • De 10 à 14 ans : 1h30, toujours le samedi et le dimanche après-midi

Quel que soit l’âge, certaines règles demeurent incontournables : pas d’écran le matin avant l’école, ni pendant les repas, ni dans l’heure précédant le coucher et surtout jamais dans la chambre. Des recommandations claires, mais dont l’application reste un défi, aussi bien pour les enfants que pour leurs parents.