Par
Léa Pippinato
Publié le
25 déc. 2025 à 18h34
Dans le quartier Garosud, l’air sent le malt et le neuf. La microbrasserie SOMI a quitté ses cent mètres carrés de Mauguio pour des locaux spacieux à Montpellier. « On voulait un lieu plus grand et pouvoir accueillir le public, c’était essentiel », explique Thierry Lefèvre, fondateur de l’enseigne. Comme lui, beaucoup d’artisans brassicoles cherchent aujourd’hui à tenir la barre.
Cliquez ici pour visualiser le contenu
Créée en 2022, SOMI – « rêve » en occitan – a vite manqué d’air dans son premier atelier. « À Mauguio, on faisait du Tetris », raconte son créateur en riant. « Les cuves montaient jusqu’au plafond, et on n’avait plus de place. » Mais au-delà du manque d’espace, le problème venait surtout de la vente. « On n’avait pas de licence, les gens ne savaient pas qu’ils pouvaient venir. Ici, à Garosud, on peut enfin ouvrir nos portes, échanger, faire découvrir nos bières. » Ce nouveau modèle, celui de la taproom – brasserie et bar réunis –, gagne du terrain dans la métropole. Il permet de vendre directement sa production et de réduire les intermédiaires, un atout majeur dans un contexte tendu.
Des coûts qui ferment la bière
Depuis le Covid, les coûts de production ont explosé. « Les matières premières et l’énergie ont pris entre 20 et 30 % », souffle le gérant de SOMI. « On doit revoir chaque recette, calculer le coût de revient et ajuster sans dénaturer notre travail. » À Castelnau-le-Lez, Jean-Baptiste Martineau, l’un des fondateurs de Zoobrew, observe la même réalité. « On a préféré rogner sur nos marges plutôt qu’augmenter trop les prix. Sinon, on aurait perdu encore plus de volume. Avant, on nous demandait quel houblon on utilisait. Aujourd’hui, on nous demande le prix au litre. » Même son de cloche à La Barbote, institution du centre-ville depuis 2015. Son cogérant, Édouard Jourdain De Muizon, l’admet : « L’énergie a flambé. Le loyer aussi. Et avec 300 m², ça compte. » L’établissement maintient pourtant une bière à 4 euros en happy hour. « C’est notre bière d’appel. Elle permet de garder une ambiance populaire. »

Les microbrasseries locales misent sur le circuit court pour rester indépendantes. (©Métropolitain / LP)
Pour Antoine Blain, coordinateur de l’association Bières d’Occitanie, la tendance s’est renversée : « L’an dernier, on comptait une fermeture pour deux ouvertures. Cette année, c’est l’inverse. » La phrase résume une mutation profonde. « Les microbrasseries de petite taille ont de plus en plus de mal à survivre. Celles qui produisent moins de 1 500 hectolitres par an sont fragiles. » La région montpelliéraine, autrefois symbole du renouveau brassicole, entre dans une phase de sélection naturelle. « Beaucoup de créateurs ont lancé leur activité par passion. Mais le métier demande un vrai volume pour dégager un revenu stable. »
Vidéos : en ce moment sur ActuUne effervescence locale
Malgré la conjoncture, Montpellier reste un bouillon d’idées. SOMI, Zoobrew, La Barbote ou encore des brasseries voisines partagent une même énergie. « La concurrence, ici, c’est plutôt une émulation », affirme Thierry Lefèvre. « On s’inspire les uns des autres. Le client est plus curieux, il veut de la qualité. » Mais le marché local approche de la saturation. « On le voit sur les festivals, on nous dit souvent que Montpellier est la ville des brasseries. »
Votre région, votre actu !
Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.
Pour survivre, les brasseries se diversifient. Taprooms, soirées-concerts, cuisine maison, softs artisanaux : chaque acteur invente sa recette. À La Barbote, le restaurant représente aujourd’hui près de la moitié du chiffre d’affaires. « Au départ, la cuisine était accessoire. Maintenant, c’est indispensable », note le responsable. Il observe aussi de nouvelles habitudes : « Les gens consomment moins d’alcool, mais mieux. On propose du kombucha, des limonades locales, des bières sans alcool. » Chez Zoobrew, l’innovation passe par la variété. « On continue à brasser des bières originales, mais nos gros volumes, c’est l’IPA, d’origine anglaise et très houblonnée. C’est ce que le public attend », reconnaît Jean-Baptiste.

Vendre sur place, une manière pour les artisans de garder la tête hors de l’eau. (©La Barbote)
Une nouvelle loi votée cet été simplifie d’ailleurs les démarches pour les brasseries souhaitant vendre leur production sur place, comme le font les vignerons. Un tournant bienvenu dans une profession souvent étranglée par les licences coûteuses. Sur le plan agricole, le sud de la France rattrape doucement son retard. « La culture du houblon revient, mais il faudra encore du temps », admet le brasseur de SOMI. « On veut travailler avec des producteurs locaux, mais la filière se reconstruit lentement. » Malgré les défis, les brasseurs de Montpellier gardent la tête haute. Chacun à sa manière cherche l’équilibre entre passion et viabilité.
Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.