Chaque fin d’année, le même contraste dans les foyers : pour certains, la joie des vacances scolaires, les réunions en famille plus ou moins chaleureuses, l’ambiance de fête ; pour d’autres, un huis clos propice aux violences sexuelles et conjugales. À Marseille comme ailleurs, les associations d’aide aux femmes victimes – comme la Maison des femmes et Habitat alternatif social – le savent bien et redoublent d’efforts pour les soutenir à ce moment-là, malgré une demande croissante.
Le piège de l’isolement
« Les périodes de fêtes accroissent l’isolement », constate depuis des années Florence Bretelle, cheffe de service à La Maison des Femmes de Marseille, qui accompagne les victimes de violences de l’aspect médical au juridique. Selon les associations, pendant la période de fin d’année, les femmes sont en congés, les enfants n’ont plus école et les victimes se retrouvent « enfermées » avec leur agresseur. Un schéma favorisant la hausse de la violence que Nathalie Nègre, cheffe de service du pôle d’hébergement d’urgence pour femmes de l’association Habitat alternatif social (HAS), rapproche de la période de confinement en 2020 : « Il n’y a plus de lien obligé avec l’extérieur. Quand ce sont les vacances, nous observons des demandes croissantes (de mise à l’abri d’urgence) », regrette-t-elle.
Cette réduction du lien avec l’extérieur favorise inévitablement le « contrôle coercitif », soit une accumulation d’actes visant à isoler, contrôler et intimider la victime. Andreea Gruev-Vintila, maîtresse de conférences HDR en psychologie sociale à l’Université Paris Nanterre en a fait son objet d’étude. Elle n’hésite pas à le dire : « Scientifiquement, le contrôle coercitif est une meilleure définition des violences conjugales. » Une thèse qu’elle soutient par les recherches scientifiques qu’elle présente dans son livre Le contrôle coercitif : au cœur de la violence conjugale.
Protéger les enfants aussi
En situation d’urgence, l’association marseillaise HAS procède à des mises à l’abri des femmes victimes de violences, avec des places disponibles pour les enfants. Équipés de vigiles et de caméras de surveillance, ces lieux assurent leur sécurité. À la veille des vacances d’hiver, le constat de Nathalie Nègre est sans appel : « On a eu quatre demandes d’hébergement d’urgence la semaine avant les vacances. » Car les fêtes créent un moment de huis clos : « Quand les routines sociales changent et les contacts sociaux avec l’extérieur se réduisent, cela peut participer à augmenter le risque pour les victimes adultes et enfants, c’est comme si c’était une prison à ciel ouvert », explique Andreea Gruev-Vintila.
Au plus haut de sa capacité d’accueil, la structure peut héberger jusqu’à 22 femmes et 52 enfants à Marseille. Ces initiatives locales répondent à un fléau national : en février, le ministère de l’Intérieur publiait un document dans lequel il stipule qu’en 2024, dans 74 % des cas, les victimes de violences physiques commises dans le cadre intrafamilial étaient des femmes, comme 85 % des victimes de violences sexuelles.
À la mi-décembre, La Maison des Femmes comptait 530 nouvelles prises en charge depuis janvier 2025, soit 182 de plus qu’en 2024. Une hausse de la demande qui s’explique aussi, selon Florence Bretelle, par la « libération de la parole ».