Par Matthieu Le Gall

C’est un avertissement. « De l’intimidation », comme l’a justement observé Emmanuel Macron, à propos des sanctions américaines visant l’ancien commissaire Thierry Breton, ainsi que quatre militants européens de la lutte contre la désinformation. Passée maîtresse dans l’art du renversement des valeurs, l’administration Trump voit de la censure là où l’Europe veut, au contraire, protéger la démocratie du poison de la haine et de la division. En s’attaquant au père du Digital services act (DSA), à l’architecte de la régulation numérique dans l’Union européenne, Washington envoie un message clair aux responsables politiques du continent : cessez de vouloir appliquer vos règles à nos entreprises, dérégulez, ouvrez les vannes, trumpisez-vous ou préparez-vous à payer le prix de votre indépendance.

D’une violence inouïe, cette attaque s’apparente à une nouvelle atteinte à la souveraineté des Européens. Après la guerre hybride menée par la Russie, qui reluque désormais les États baltes, et les prétentions américaines sur le Groenland qui menacent sans ambiguïté la souveraineté territoriale du Danemark, c’est la souveraineté numérique des Vingt-Sept qui est ébranlée. Pourquoi ne la défendons-nous pas avec plus de vigueur ? La lâcheté, l’asymétrie de la relation transatlantique, l’inconscience de ceux qui pensent que l’ordre du monde n’a pas changé et nos propres divisions, un peu de tout cela, en vérité. Mais ne nous y trompons pas : avec l’aide de « patriotes » européens, Washington veut exporter son modèle politique. Et nous verrons alors ce qu’il reste de la liberté d’expression.