La joie et le blues. Si les fêtes riment avec retrouvailles, partage et convivialité, tout le monde n’a pas la chance de célébrer Noël en famille. Femmes, hommes, jeunes, vieux… l’isolement, la précarité et l’exclusion ne font pas de distinction. Mais dans ce monde libéral et fracturé, des âmes généreuses se décarcassent pour n’oublier personne. Un geste, une présence, une écoute, ne serait-ce qu’un sourire, ils sont là. Souvent autour d’un repas chaud, ces bénévoles mettent les petits plats dans les grands.
Un Français sur quatre se sent seul et la période de Noël accentue ce sentiment d’isolement, selon la Fondation de France qui soutient 235 réveillons solidaires dans l’Hexagone dont sept dans les Bouches-du-Rhône. D’après le baromètre 2025 des Petits Frères des Pauvres, deux millions d’aînés sont isolés de leur entourage proche, 750 000 sont en situation de « mort sociale », sans contact. Pour que Noël reste une trêve magique pour tous, les associations sont sur le pont.
« Pour les plus démunis, les fêtes sont anxiogènes. On ressent une appréhension particulière chez les femmes et les seniors. C’est le moment le plus intense de l’année. Nous sommes ouverts tous les jours et nous enregistrons un pic de demandes de 15%, souligne Farida Benchaa, secrétaire générale du Secours Populaire 13 qui apporte une aide alimentaire à 58 000 personnes dont 16 000 rien qu’à Marseille. Nos effectifs sont renforcés sur les points de distribution et le terrain auprès des étudiants et des SDF. »
Un engagement « chevillé au corps »
Maraudes et animations, arbres de Noël dans les centres et livraison de colis de produits d’hygiène et de friandises, chaque action compte. L’idée est que tout le monde ait le sentiment d’être considéré et inclus. Ces initiatives sont possibles grâce aux bénévoles dont nombreux sont eux-mêmes accompagnés. « L’ADN du Secours Populaire c’est que n’importe qui peut devenir acteur de la solidarité. Nous faisons vivre au quotidien une démarche d’éducation populaire, souligne la représentante du 13. La majorité de nos 131 structures sont composées de personnes que nous aidons ou avons aidées un jour. »
Farida Benchaa en est l’exemple. Il y a vingt ans, elle était de ces bénévoles. Aujourd’hui, elle est salariée, dirigeante et élue au bureau national en charge des Copains du monde. « Quand on travaille, on croit qu’on travaillera toute sa vie. Et un matin, on perd son emploi. Avec mon mari, nous avions trois enfants en bas âge quand on a été licenciés tous les deux. » Au Secours Populaire, Farida va sortir la tête de l’eau. Mieux, s’émanciper et reprendre des études à 50 ans, un master de sociologie. C’est la preuve que le bénévolat peut être un levier d’insertion : « Sans le Secours, je ne me le serais jamais autorisé. Ici, j’ai grandi et rebondi. Depuis, mon engagement est chevillé au corps. »
La crainte de ne pas boucler la fin de mois
Un élan fragile. Car si 21% de la population participe à une activité de bénévole, le taux d’engagement des plus de 65 ans chute à 24% en 2025 contre 38% en 2010. En revanche, selon le baromètre du Bénévolat, celui des jeunes (15-34 ans) se confirme (23% vs 16%). Ce constat appelle à renforcer le maillage associatif pour répondre aux besoins. Car les guirlandes qui clignotent ne font pas oublier la crise : l’enquête de Dons Solidaires avec l’Ifop montre que 44% des Français craignent de ne pas boucler leur mois, 39% redoutent un basculement dans la pauvreté et 22% rencontrent souvent des difficultés financières. Et si pour les deux tiers des gens, les fêtes sont synonymes de réjouissance, plus d’un quart appréhendent Noël et en sont attristés.
Aux Restos du cœur, c’est aussi une période clé. Le Père Noël fait la tournée des antennes et la distribution de denrées ne prend pas de vacances. Pour que le lien tienne, des bénévoles sont engagés par centaines. Des extérieurs et des accueillis impliqués comme acteurs de leur développement. À Méditerranée, au nord de Marseille, le centre tourne à 80% grâce aux bénéficiaires. « C’est une manière de renvoyer l’ascenseur. Les gens apprécient l’accueil et le suivi. L’aide alimentaire est la porte d’entrée, précise Alain Evezard, président des Restos du cœur des Bouches-du-Rhône. Derrière, il y a des dispositifs : accès aux droits, recherche d’emploi, soutien scolaire… La prise en charge est globale. » Un socle commun : l’accueil est inconditionnel.